
-1932: publication de Brave New World (Le Meilleur des mondes, en traduction française) de Aldous Huxley.
-1950: publication de 1984 de George Orwell
-1981: publication (et interdiction immédiate dans son pays d’origine) du Palais des songes d’Ismaïl Kadaré (dorénavant disponible en anglais sous le titre The Palace of Dreams, dans une traduction effectuée par Yusuf Vrioni, à partir de la traduction française de Barbara Bray)
-1985 publication de The Handmaid’s Tale (La servante écarlate) de Margaret Atwood
Dans chaque cas, la bouteille contient une vision possible d’un monde autoritaire dans lequel l’individu et le collectif sont sous le contrôle de l’Etat, car seul l’Etat compte, en bout de ligne. L’Etat, c’est-à-dire l’exercice du pouvoir. Et comme dit un personnage dans le roman de Kadaré: “Par-dessus tout, partager le pouvoir veut dire partager les crimes.”
Ce qui ne donne pas une très haute opinion de la chose supposément la plus précieuse sur la planète Terre. Raison pour laquelle,dans certains pays, manquer de respect au drapeau de l’Etat vaut condamnation à la prison ou à la mort.
Pas plus tard que ce matin, nous apprenions l’arrestation des auteurs et de l’éditeur de trois contes pour enfants à Hong Kong, parce que ces histoires racontaient le sort fait à un village de moutons envahi par les loups. Ça me rappelle les Tchèques au moment de l’invasion soviétique qui se précipitaient sur des comptines dans une publication pour enfant, interdite finalement parce que tout le monde comprenait bien de quoi il s’agissait vraiment. Pouvoir, sens de l’humour et ironie n’ont jamais fait très bon ménage.
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“Pégase” – c’est-à-dire les “révélations” concernant l’espionnage incontrôlé de tous les aspects de vies individuelles par une système qui peut saisir toutes les données transitant par un téléphone qu’il soit allumé ou éteint.
Le je-te-tiens-tu-me-tiens-par-la-barbichette semble se dérouler dans toutes les directions avec nombre de pays (espionnés) espionnant à leur tour ceux qui les espionnent. Ce qui explique peut-être les réactions plus-que-mesurées des gouvernements se lançant tous dans les démentis ou dans la mise sur pied de “comités” et “d’enquêtes”. Un peu comme lors de la sortie des Panama Papers révélant – quelle horreur !- l’existence de l’évasion fiscale grâce aux comptes “offshore”. Pratique qui n’a plus cours nulle part, n’est-ce pas?
Dans le roman de Kadaré, la surveillance électronique n’a pas encore fait son apparition dans l’Empire du sultan. Raison pour laquelle, chaque matin, les habitants doivent se rendre pour raconter leurs rêves qui sont ensuite transmis pour analyse par l’autorité centrale, car le sultan est convaincu que l’un de ces rêves contient les germes d’un complot contre le Pouvoir Suprême, c’est-à-dire, son aimable et irremplaçable personne.
“Pégase” n’a pas encore la capacité de franchir le pas pour pénétrer dans vos rêves et de toute façon , il ne se passe pas une seule journée sans que je croise une jeune personne dans la rue, blablatant à haute voix sur son téléphone pour y racontant des choses – euh – intimes?
Enfin. Profitez bien l’intimité qui est la vôtre, quelle qu’elle soit, pour le temps qu’elle durera. Les rêves aussi sont des sortes de bouteilles parvenant, cette fois, de la mer intérieure.
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Bottles in the sea. Most are lost, broken, sink. Or they are salvaged containing an illegible or uninteresting message. Sometimes, they reach us, with a message of interest:
-1932: publication of Aldous Huxley’s Brave New World
1950: publication of George Orwell’s 1984
1981: publication (and immediate banning in its country of origin) of Ismail Kadaré’s Palace of Dreams (no longer available in French but now published in English in a translation done Yusuf Vrioni based on Barbara Bray’s French translation of Le palais des songes)
-1985 publication of Margaret Atwood’s The Handmaid’s Tale
In each instance, the bottle contains a possible vision of an authoritarian world in which the individual and the collective are under State control, because in the end, only the State matters, which is to say that power is what counts. And as one character says in Kadaré’s novel: “Above all, sharing power means sharing crimes.”
This doesn’t give a very high opinion of what is supposedly the most precious attainment on earth. Reason for which in some countries, showing disrespect for the State flag earns you a prison or even a death sentence.
(No later than this morning, we learned that the authors and publishers of three children’s books in Hong Kong were arrested because of the stories depicting a village of sheep attacked by wolves. I’m reminded of the Czechs, during the Soviet invasion, reading ditties published in a children’s magazine, until it was banned because everyone understood full well what the ditties were really about).
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“Pegasus” i.e. the “revelations” about all-out spying involving every aspect of people’s lives that the system can siphon off a phone, whether the phone is activated or not.
The I-spy-with-my-little-eye seems to be going on in every possible direction with a number of countries (spied upon) busily spying away on those spying on them. Which may explain why the reactions are fairly subdued at governmental levels, all of them busily denying, or promising to launch “committees” and “investigations”. Something like the Panama Papers business where – gasp ! – it was “learned” of the existence of all those tax-evasion schemes carried on off-shore. A practice no longer occurring anywhere, correct?
In Kadaré’s novel, electronic surveillance hadn’t landed in the Sultan’s empire so every morning, citizens had to report their dreams to the central authority for analysis since, surely, in one of those dreams, the seeds of some terrible plan against the Supreme Power were present.
“Pegasus” can’t pass through into penetrating your dreams yet and not a single day goes by when I don’t cross the path of a young person walking down the street and yammering away about – uh – ‘private’ matters?
Anyway. Enjoy whatever privacy you still have, while you have it. Dreams are also a kind of bottle, thrown up to us, this time from the inner sea.