
Phénomène étrange, à la fois précieux et ravageur. Précieux, on s’en rend bien compte lorqu’un traumatisme fige la mémoire sur le(s) moment(s) d’horreur et bloque le mouvement dans le réel ambiant. Ravageur lorsqu’on se laisse séduire par une jovialité de parade pour éviter un réel moins rigolo et beaucoup plus important.
La pensée m’est venue à la vue de ces images diffusées autour de la rencontre du G-7 et supposées montrer nos aimables dirigeants partageant d’excellents moments de convivialité – une vraie fête de famille remplie de souvenirs touchants – les premières dames, pataugeant pieds nus dans la mer, devant le petit-dernier du premier ministre britannique, la fine équipe – France, UE, Allemagne, E-U (où est le Canada ?) – autour d’une table de pique-nique, le bras du président américain entourant l’épaule du président français, et même et même un moment de franche rigolade avec…la Reine d’Angleterre !…Doux aïeux, ah oui, c’est jour de pique-nique chez les oursons !
(Oui, je sais, il y a plein de sujets qui fâchent, mais c’est le jour des sourires devant les caméras. Je me demande d’ailleurs comment on se sent à gagner sa vie à photographier des mises en scène pareilles. Et je me rappelle une autre époque dans ma vie où, responsable de la préparation des activités du jour pour un aéropage moins exalté, ma feuille d’instructions aux “premières dames” aurait bien précisé le port de sandales faciles à enlever pour la photo prise, petons dans l’eau devant le dernier-né du premier ministre britannique. Note à l’intendance: prière de fournir des couches de rechange, pour le cas…)
Bref, on vous prie de croire que la croisière vogue sur les flots de l’amour et s’amuse mais avec tout le sérieux voulu, si vous pensez que c’est une partie de plaisir de signer des communiqués préparés par des équipes britanno-franco-germano, euro, canado…ouh ce maudit 3e paragraphe, en viendrons-nous à bout! Vite, un synonyme pas trop raide et pas trop conciliant non plus pour ‘prise de tête’ et ‘menaces de départ intempestif’ !)
Et si vous, petit(e) minus dont le sort les préoccupe tant, retenez quoi que soit d’autre que le fait que tout a baigné dans une mer de félicité, c’est qu’il y aura des sous-fifres qui n’auront pas été à la hauteur. (On reparlera de la guerre des saucisses un autre jour. Et, euh, les vaccins…et les migrants, et l’aide internationale, et le climat, et…)
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Strange phenomenon, both precious and destructive. Precious, we fully realize, when trauma paralyzes memory on a or several moments of horror, and blocks the movement into the surrounding reality. Destructive when we allow ourselves to be seduced by a jovial parade in order to avoid a much-less amusing reality that happens to be much more important.
The thought came to me as I viewed some of the photos being spread around the G-7 meeting, all meant to show our pleasant leaders sharing excellent moments of conviviality – a real family event, filled with moving memories – the first ladies dipping their naked toes in the sea in front of the British Prime Minister’s youngest, the whole fine crew- France, EU, Germany, USA (where’s Canada?) – around a picnic table, the American president’s arm draped over the French president’s shoulder, and even and even a moment of the finest jocularity with, with… the Queen of England! Oh, my forebears, oh yes today’s the day the teddy bears have their picnic!
(Yes, I know, there are a number of annoying topics, but this is the day for smileys in front of the cameras. I do wonder how one feels making a living photographing set pieces like these. And recall days in my own life when, in charge of preparing the daily activities sheet for a less exalted group of mini-mighties, my instruction sheet to the “first ladies” would have specified the wearing of easy-to-remove sandals for the photo op barefoot in the water facing the British prime minister’s latest offspring (N.B. to staff: please provide extra diapers, just in case).
In short, you are asked to believe the love boat cruise is having a jolly good time, but in all seriousness too, if you think it’s party time when you have to sign a press release prepared by a team of Brito-Franco-Germano-Euro-Canado backroomers…ooh, that damned 3rd paragraph, quick, somebody come up with a synonym that’s not too harsh and not too conciliatory either for ‘head butt’ and ‘unscheduled and abrupt departure’.
And if you, lowly minus they care so much about, remember a single thing other than how swimmingly it all went on a sea of felicity, then some minions will have failed to be up to the task. (We’ll talk about the sausage war some other day. And hm…vaccines and migrants, and foreign aid, and climate and…)