
Causant ce matin avec une très bonne amie, écrivaine elle aussi, nous passons de constats désolants au sujet d’un drame dans la sphère intime à nos observations communes sur le champ social et politique plus large dans lequel de pareils délitements de sens se produisent.
L’image se présente de l’espoir comme une petite pousse de chiendent surgissant inexorablement du dernier bout de racine qu’on n’arrive jamais à extirper. Vivre donc, constamment, en sachant que les solutions sont vouées à l’échec tout en manifestant un profond respect pour la petite pousse qui persiste à grandir dans les décombres.
ouh, bien dramatique, tout ça, dites-vous. Oui, très dramatique, en effet. D’où la nécessité du rire, souvent.
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Comment un article au sujet des dernières parutions de Joseph Andras peut-il m’être utile en ces circonstances, y compris dans la révision que je viens d’entreprendre, je ne saurais dire. Tout comme je ne sais pas si l’article en question peut être lu hors abonnement à Médiapart. De toute façon, l’article s’intitule “Me coltiner le réel, c’est tout ce que je sais faire”, et les points de vue qu’Andras y exprime correspondent aux miens. Et comme mon libraire avait copie de “Au loin le ciel du Sud”*, je note ces mots sur la page 103: “Voilà ce qui doit s’appeler l’ironie: il aura fallu la démocratie libérale pour instaurer ce qu’aucun régime totalitaire ne parvint jamais à mettre sur pied: le fichage intégral et journalier de l’entier des citoyens.”
Joseph Andras dédie Au loin le ciel du sud à Nûdem Durak, un jour libre.
emprisonnements illégitimes, camisoles de force chimiques pour personnes en détresse psychique, véritables canaris dans la mine, surveillance…et ces pousses persistantes de verdure encore et encore et encore.
Révision: jour 2.
*Joseph Andras, Au loin le ciel du Sud, Actes Sud, “Domaine français”, 2021
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Talking this morning with a very close friend, who is also a writer, we move on from the sorrowful reports concerning a drama playing out in the intimate sphere to our shared observations on the wider social and political field in which such disintegrations of sense and meaning occur.
The image that springs to mind is that of hope, like the small blade of dog grass relentlessly rising out of the last bit of root you never manage to pull out and thus constantly living with the knowledge that solutions are bound to fail, while bowing with total respect before the small blade that persists in growing in the ruins.
wow, how dramatic, you say. Yes, most dramatic indeed. Hence the need for laughter. Often.
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How can an article about Joseph Andras’s latest publications prove useful in these circumstances, including in the revision I’ve just begun, I can’t say. Just as I can’t say if the article in French on the Médiapart website can be read without a subscription. At any rate, the article is titled “Dealing with reality is all I know how to do” and the points of view expressed by Andras match up with mine. And as my local bookshop had a copy of Au loin le ciel du Sud (The Distant Southern Sky), I note the following words on page 103 : “Voilà ce qui doit s’appeler l’ironie: il aura fallu la démocratie libérale pour instaurer ce qu’aucun régime totalitaire ne parvint jamais à mettre sur pied: le fichage intégral et journalier de l’entier des citoyens.” (This is what must be known as irony: it will have taken a liberal democracy to implement what no totalitarian regime ever managed to set up: the total and daily recording of information on all citizens.)
Joseph Andras dedicates Au loin le ciel du Sud to Nûdem Durak, free some day.
Illegitimate imprisonments, chemical straightjackets for people in mental distress, genuine canaris in the mine, surveillance… and those pesky, insistant blades of greenery shooting up, again and again and again.
Revision: Day 2.