
Hier après-midi, Le Monde publiait ceci en deuxième ou troisième position dans les articles qu’il proposait: “Le conseil scientifique se dit favorable à l’auto-isolement des plus âgés et prône un nouveau contrat social”. Deux heures plus tard, l’article avait disparu. Il faut croire que le chef de pupitre (ou son chef à lui) avait jugé qu’il y avait suffisamment de sujets d’énervement comme ça, autour des questions de sécurité, d’identité et d’universitaires supposément suppôts du grand démantèlement de l’Europe et de ses “valeurs”. Bref, parler clairement de ce qui est déjà un état de fait dans bien des cas – la mise à l’écart officiel des vieux – se trouvait remis à un autre jour.
En termes inélégants, les “valeurs” en question reposent sur la “valeur” de la contribution financière de l’individu à l’enrichissement dit “collectif” puisque nous vivons dans un univers où l’économie fait loi. Or, les vieux, interdits de travail et “bénéficiaires” de la pension à laquelle ils et elles ont contribué durant leurs années “productives”, coûtent plus qu’ils ne rapportent financièrement. Ou, comme dirait l’arbitre suprême des élégances dans ce pays, les vieux “coûtent un pognon de dingues”. Or, comme la pandémie risque de se prolonger dans ses multiples variantes et que la compression des dépenses se poursuit, notamment dans le domaine de la santé, il est temps de siffler la fin de la récréation. Les vieux coûtent cher, et sauf à l’époque heureuse où les ‘mamy’ pouvaient garder leurs petits-enfants, ils ne “servent à rien”. Comme disait ma soeur, une “vieille” elle aussi, comme moi: le plus simple serait de décréter l’euthanasie générale à partir d’un certain âge, mais ça ferait désordre. Enfin, ça ferait désordre jusqu’à ce que ça devienne un élément d’un “nouveau contrat social”. Après tout, autrefois, dans les sociétés inuit du Grand Nord, en période de disette, les vieux se laissaient mourir pour permettre aux plus jeunes de survivre, n’est-ce pas? Parions qu’il y aura des petits futés pour construire des élégies sur la sagesse ultime du sens du sacrifice, pendant que les actionnaires de tous âges continueront à se sucrer le bec et à trouver des échappatoires appropriés et entièrement justifiés par leurs “précieuses contributions” à la société – que dis-je? à l’humanité et à toutes ses “valeurs”.
Déjà que l’Europe n’aurait supposément plus “les moyens” d’accueillir les gens chassés de leurs pays par la misère et/ou la guerre (et qui, au juste, sont les fournisseurs d’armes pour ces massacres???), si vous pensez qu’une seule catégorie d’humains est à l’abri d’une ré-évaluation de son “potentiel productif”…
A part ça, le soleil brille, la mer est calme et tout va bien.
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Yesterday afternoon, Le Monde published the following in second or third position in its articles. The title tells the story: “The Scientific Council says it is favorable to the self-isolation of the more elderly and advocates a new social contract”. Two hours later, the article had disappeared. I guess the desk editor (or his boss) considered there were enough topics of deep annoyance around issues of security, identity and those pesky academics, supposed lackeys to the great dismantling of Europe and its “values”. In short, speaking clearly about what is already a fact in many cases – the official shunting aside of the elderly – is moved to another day.
In less than elegant terms, the “values” in question rest on the “value” of the financial contribution each individual makes to the so-called “collective” enrichment since we live in an environment where the economy rules. It so happens that old people are forbidden to work since they “benefit” from the pension they paid for during their years of “productive” labor; hence, they cost more than they prouce in return. Or, as the supreme arbiter of elegance in this country would say: “they cost one hell of a lot of moolah”. As the pandemic is at risk of running prolongations through its various variants and since the reductions in public spending are ongoing, notably in the health sector, the time has come to put an end to the recess. Old people cost a lot, and save for the happy days when “mammies” could look after their grand-children, they are “useless”. As my sister would say (she is an “oldie” just as I am): the simplest would be to decree general euthanasia starting at a certain age, but that would look messy. At least, it would look messy until such time as it became an element of a “new social contract”. After all, in the old days, in the Inuit communities of the North, during starvation times, the old people let themselves die so that the younger ones could survive, yes? I’m sure there will be clever ones to wax lyrical on the ultimate wisdom of the spirit of sacrifice, while shareholders of all ages will keep on dipping their biscuit into the honey pot, finding appropriate and justified excuses given their “priceless contributions” to society – nay! – to humanity and all its “values.”
Seeing how Europe, apparently, can no longer “afford” to let in people fleeing misery and war (and who, exactly, is providing the weapons for the bloodletting???), if you think a single category of humans will escape a re-evaluation of its “productive potential”…
Apart from which, the sun is shining, the sea is calm, and all is well.