
Voici qu’on nous prépare à la perspective d’un troisième confinement. Le ministre de l’Education nationale s’empresse de déclarer que tout sera fait pour maintenir les écoles ouvertes. Evidemment. Il faut bien faire garder les enfants pendant que les parents travaillent, n’est-ce pas? Parents qui sont bannis de l’intérieur des écoles, déjà, avec toutes sortes de conséquences auxquelles je suis certaine que Monsieur Blanquer et ses acolytes n’ont pas réfléchi même une seconde.
Exemple:
Là-haut, tout là-haut dans les échelons supérieurs des sphères administratives, tous et toutes sont muni(e)s d’un ordinateur personnel, n’est-ce pas? Et d’une connection internet aussi, bien sûr, non mais, vous nous prenez pour des ploucs ou quoi?
Donc, là-haut, tout là-haut, que je te Zoom et que je te télé-travaille, allez zou, Covid, pas Covid, la “Start Up Nation” ne s’en laisse pas conter !
Et selon les paroles de plus d’un homme célèbre: “Droit devant, l’intendance suivra.”
Bien.
Descendons de quelques échelons. De plusieurs, en fait. Et puisque la vie se déroule au singulier, découvrons comment les choses se dérouleront dans un cas bien précis à l’intérieur de l’un de ces quartiers qu’on désigne sous toutes sortes d’acronymes afin d’éviter de les qualifier de “défavorisés”. A titre d’exemple on ne peut plus réel, prenons le cas d’un gamin de neuf ans qui devient soudain incontrôlable à l’école. Il faudrait réunir le(s) parent(s), le directeur, l’enseignante, l’assistante sociale, et les services spécialisés responsables d’assurer un minimum de sécurité à la mère et à son fils, dans une situation des plus précaires.
Evidemment, directive oblige, la réunion ne peut pas se tenir à l’intérieur de l’école. Pas de problème, dit la directive de l’Education nationale, organisez la réunion sur Zoom. Bien sûr. Il s’avère que la mère n’a pas d’ordinateur. En fait, elle n’a qu’un téléphone portable à 2€ par mois mais qui ne fonctionne pas, puisqu’elle n’a pas pu payer le mois précédent. Et même si elle avait accès à un ordinateur, il y a ce léger ennui que représente le retour de l’homme qui a déjà transformé sa vie, et celle de son fils, en enfer. Pour le n-ième fois, elle devrait faire état de tout ça, sur Zoom, possiblement en présence de ce mec, sans la moindre garantie qu’on la protégera avant qu’il se déchaîne dans de nouvelles violences ?
Oui, je sais. Tout ça, sous forme de roman ou de série télé, c’est connu jusqu’à saturation. Parlez-nous d’autres choses, bon dieu, assez de ce misérabilisme !
Sauf qu’il ne s’agit ni de roman, ni de série télé, et Zoom n’est pas le Salut de la Start-Up Nation, pendant qu’une enseignante masquée doit laisser une classe de plus de vingt élèves pour partir dans les corridors, à la recherche d’un enfant désespéré. Il s’avère que je connais l’enseignante, et je connais l’école. Monsieur Blanquer lui suggérerait sans doute de faire chanter La Marseillaise aux enfants en guise d’assurance que Liberté Egalité Fraternité s’adressent à chacun d’entre eux.
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A part ça? Pas de pluie encore aujourd’hui et même, j’aperçois un timide rayon de soleil. Et dans mon cas, s’il y a un troisième confinement, ça ne fera rigoureusement aucune différence dans ma vie. Je lis, j’écris, je traduis et, de temps en temps, j’échange des mots et des regards avec des personnes “en vrai” – une expérience bien agréable.
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Here we are, getting softened up for a third confinement. The Minister of National Education hastens to declare that he will do everything to maintain schools open, should this new confinement be required. Obviously. Someone has to babysit the children while the parents go to work, yes? Parents who are already banished from entering inside the schools with all kinds of consequences to which I’m sure Monsieur Blanquer and his aids did not give even a moment’s thought.
To whit:
High up in the superior echelons of the administrative sphere, everyone has a personal computer, right? And an internet connection also, obviously, I mean who do you take us for, bottom feeders or something?
So, up above, away we go on Zoom and away we go with working from home. Covid or no Covid, Monsieur Macron’s “Start Up Nation” is up to the challenge!
And as more than one famous man once said: “Straight ahead, the Supply Corps will follow.”
Fine.
Let’s go down a few echelons. Several, in fact. Down in the world of real, and as life plays out in the singular, in one of those neighborhoods described with various acronyms in order to avoid using the word “underprivileged”. A world in which, as a very real example, a nine year old child suddenly becomes unmanageable and there’s need to hold a meeting at the school with the parent(s), the principal, the teacher, the social worker, and any number of specialized services dealing with the precarious conditions surrounding the boy (and his mother’s) everyday safety.
Obviously, despite the urgency of the situation, the meeting cannot be held within the school. No problem, says the directive from l’Éducation nationale, you can hold the meeting on Zoom. Right. The mother has a 2€ a month phone deal but her phone is down because she couldn’t afford the expense the previous month. She doesn’t have a computer and, even assuming she had access to one, there’s that annoying issue of the re-appearance of the man who has made her life (and her son’s) a living hell. She is supposed to lay all of this out, for the umpteenth time, on Zoom, possibly in earshot from the man in question, with no guarantee protection will be extended before the man gets violent again?
Yes, I know. All this is familiar to the point of saturation, from novels and TV series. Talk about something else, for god’s sake, enough of this miserabilism!
Except this is neither a novel, nor a TV series. And Zoom is not the Salvation of the Start Up Nation, while a masked teacher must leave a classroom of over twenty children in order to race down the hallways in search of a desperate child. I happen to know the teacher, and the school. Monsieur Blanquer would probably suggest that she have the children sing La Marseillaise as assuring them that Liberté Egalité Fraternité applies to every last one of them.
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And apart from that? No rain yet today, I even spot a timid ray of sunshine. And in my case, should a third confinement be declared, it will make absolutely no difference in my life. I read, I write, I translate, and occasionally, I exchange words and gazes with people “for real” – a most pleasant experience.