
En relisant le chapitre 16 dans A People’s History of the United States*, je me retrouve en plein dans mes premiers souvenirs politiques. 1952. J’ai six ans et c’est ma première année d’école, enfin ! Mes deux soeurs aînées fréquentent le couvent de la congrégation des Filles de Ste Anne; moi, je suis à l’école administrée par la congrégation des Filles de la Sagesse. Exemple parmi d’autres de la sagesse qui les anime, elles désignent une très vieille religieuse pour enseigner aux petites. Et quelles leçons ! Entre grammaire et calcul nous apprenons, notamment, qu’il existe un pays appelé la Corée où de méchants communistes payés par la Russie tuent de braves soldats américains. Mais ils ne font pas ce sale boulot tout seuls, oh que non. Chaque fois que nous bougeons en classe, dit-elle? Pan ! Un vilain communiste abat un brave américain. C’est assez effarant; raison pour laquelle chaque soir dans mon lit, je tente de communiquer avec les petits russes, leur demandant d’arrêter de bouger en classe, parce qu’il faut bien qu’ils y mettent du leur aussi pour la paix mondiale, non?
Il y avait aussi une sorte de bande dessinée dont une des images est encore imprimée sur ma rétine: il s’agissait de la triste histoire de petits enfants communistes endoctrinés à tel point qu’ils dénonçaient leurs braves parents qui avaient caché un crucifix sous l’escalier. L’image montrait un petit garçon pointant du doigt vers l’escalier en question. Je trouvais cette image atroce. Elle me donnait des cauchemars.
La très vieille soeur a finalement été mise à la retraite après qu’elle nous eut appris comment fabriquer un cilice avec un élastique truffé d’épingles de nourrice ouvertes. Il s’agissait de porter ce truc autour de la taille et d’offrir nos souffrances à Jésus pour nos péchés. Personnellement, je me suis contentée de vérifier l’effet d’une épingle de nourrice ouverte sur un doigt. Oui, je crois bien avoir “dénoncé” la pauvre vieille folle à ma mère. Tous ces contacts nocturnes avec des petits communistes imaginaires avaient dû me brouiller l’esprit. Mais déjà, qu’on demande à des petites de 6 ans au Québec de se sentir responsables de soldats américains se battant pour des raisons inconnues dans un pays qu’elles n’auraient pas su localiser sur une carte… (Je suis prête à parier que la plupart des soldats en question n’en savaient pas beaucoup plus long eux-mêmes.)
Je suis maintenant au chapitre 18 c.à.d. la guerre au Vietnam ce qui correspond, pour moi, aux objecteurs de conscience américains et à l’aile anglophone du Front de Libération des femmes sur le boulevard St-Laurent à Montréal….
Côté fiction, un personnage a posé une question et l’autre n’a pas répondu encore. Et pour cause: je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle va répondre!
*
Re-reading Chapter 16 in A People’s History of the United States*, I find myself awash in my first political memories. 1952. I’m six year old and this is my first year in school, at last! My two older sisters study in a convent with nuns of a congregation called the Sisters of Ste Anne; I’m in a school administered by the congregation of the Daughters of Wisdom. As an example among others of the wisdom animating them, they designate a very old nun to teach the little ones. And what lessons does she give! Between grammar and arithmetic, we learn, notably, that there exists a country called Korea where nasty communists paid by Russia are killing brave American soldiers. But they’re not doing this dirty work unaided, far from it. Every time we fidget in class, she says? Bang! A nasty communist kills a brave American. This is rather frightening; reason for which every night in my bed, I attempt to communicate with little Russians, asking them to stop fidgeting in class because, they have to do their share for world peace, right?
There was also a kind of comic book, one image from which is still imprinted on my eyeball: it was about the sad tale of little communist children so indoctrinated that they denounced their brave parents who had hidden a crucifix under the stairs. The image showed a little boy pointing toward the incriminating stairs. I found this image awful. It gave me nightmares.
The very old nun was finally pensioned off before the end of the school year, after she taught us how to make a variation on the hair shirt by sticking open diaper pins on a length of elastic, wearing this around our waists and offering our suffering to Jesus for our sins. Personally, I tested the sensation of one open diaper pin on a finger. Yes, I do believe I “denounced” the poor demented old fool to my mother. All those nightly contacts with imaginary little Russians must have addled my brain. But still, why were six year old little girls in Québec asked to bear responsibility for American soldiers fighting for unknown reasons in a country the children would not have known where to locate on a map…(I’m willing to bet that most of the soldiers didn’t know all that much more than we did.)
(I’m now at Chapter 18 i.e. the Vietnam War which, for me, corresponds to the days of American draft dodgers and the English branch of Women’s Lib on Montreal’s St-Lawrence Boulevard…)
In the fictional world, one character has put a question to another who hasn’t answered yet. For good reason: I have no idea what she is going to say!
*Howard Zinn, A People’s History of the United States, Harper Perennial Modern Classics 2015