Expression (liberté d’) et tire-lire/Expression (Freedom of) & piggy bank

Deux considérations sur la fameuse liberté d’expression qui fait débat en ce moment, notamment sur les réseaux dits “sociaux”.

La première concerne le comportement humain: en situation de contact physique avec d’autres, la plupart des gens ne disent pas la première chose qui leur passe par la tête. Pour une multitude de raisons, ils réfléchissent avant de parler et, pour des motifs louables ou leurs contraires, exercent un certain contrôle sur ce qu’ils communiquent. En situation de contact “virtuel” – c’est-à-dire en l’absence de la réalité physique de présences autres que la sienne – combiné à la rapidité des échanges, ce filtre naturel saute, comme j’en ai fait l’expérience dans les premiers temps de mes échanges sur les plateformes ‘sociales’ quand je me comportais “comme si” j’étais en situation de confiance/méfiance que les humains ont acquise sur des millénaires d’expérience.

La seconde considération est liée à la propriété privée de ces fameuses plateformes qui, sous leur apparence de ‘gratuité’ pour l’usager, sont de puissants siphons d’informations personnelles revendues à toutes firmes que ces données intéressent. Or, plus les échanges sont ‘extrêmes’, plus ils sont partagés. Plus ils sont partagés, plus d’informations personnelles sont mises à la disposition des propriétaires de ces plate-formes. Et comme tout ça se fait supposément avec notre accord (qui ne clique pas “J’accepte” pour accéder à une information ?), la fameuse liberté d’expression se transforme en instrument favorisant les formes les moins souhaitables d’échanges.

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De temps en temps, je retrouve dans le filtre du “spam” sur ce site des invitations à contacter un fournisseur de SEO. Mini-recherche à l’appui, je découvre qu’il s’agit de services qui favorisent un meilleur “placement” de votre site sur les moteurs de recherche – contre rémunération, il va sans dire. Or, non seulement une telle dépense n’est-elle pas dans mes priorités mais il y a un bon moment* que j’ai appris la “valeur” d’amitiés intéressées. Alors, je préfère laisser au hasard le choix des visiteurs à ce coin perdu sur la vaste toile. Souvent, le hasard fait très bien les choses.

*J’avais 9 ans, en fait. La famille venait de déménager à nouveau, j’étais dans un nouveau couvent où tout le monde faisait mine de m’ignorer. Avec la lame d’un couteau, je réussis à récupérer des sous de ma tire-lire pour acheter des caramels au petit commerce à côté de l’école, que je distribuais pendant la récréation. Pendant quelques jours, je fus assaillie comme le serait un pique-niqueur par des pigeons. Mais un de mes parents me surprit en train de “dévaliser” ma tire-lire laquelle, me dit-on, était là pour m’apprendre “la valeur de l’épargne” et non pas pour des dépenses frivoles. Au vu de l’état de mes finances, cette partie de la leçon fut mal assimilée, mais je compris très rapidement que les amitiés achetées fondaient plus vite que les caramels eux-mêmes…

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Two considerations regarding the famous freedom of expression so largerly debated at the moment, notably on networks known as ‘social’.

The first is about human behavior: when in physical contact with others, most people do not say the first thing that goes through their head. For a number of reasons, they think before they speak and, for commendable or poor motives, they exercise a certain control over what they communicate. In situations of “virtual” contact – which is to say in the absence of the physical reality of others around us – combined with the speed of the exchanges, this natural filter disappears, as I discovered personally in the first days of my exchanges on “social” platforms when I behaved as if I had been in the same trust/mistrust situation as the ones we humans have learned over millenia of physical experience.

The second is linked to the private ownership of these famous platforms which, under their appearance of being “free” for the user, are powerful siphons of personal information resold to any firm interested in these data. It so happens that the more “extreme” the exchanges are, the more they are shared. The more they are shared, the more personal information becomes available to the owners of these platforms. And since all this occurs seemingly with our approval (who has not clicked on “I agree”, in order to access desired information?) the celebrated freedom of expression turns into an instrument facilitating the less-desirable forms of communication.

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From time to time, my spam filter contains invitations to contact an SEO provider. After a mini-research, I discover these are services providing better “placement” of your website on search programs – for a fee, obviously. Well, far from such an expense being a priority, I learned a long time ago* the “value” of interested friendships. So I would rather leave to chance the selection of visitors to this lost corner of the big wide web. Chance often does things well.

*I was 9, in fact. The family had moved again, I was in a new convent where everyone pretended to ignore me. With the flat end of a knife, I managed to extract a few pennies from my piggy bank, with which I bought caramels at the penny candy store next to the school, which I then offered generously during recess. For a few days, I was mobbed as if by a flock of pigeons around a hot dog stand. But one of my parents caught me “vandalizing” my piggy bank; I was told it was meant to teach me “the value of savings” and not for wasteful spending. If I consider my finances, that part of the lesson didn’t register much but I quickly understood that bought friendships melted away faster than caramels…

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