
La photo fut prise hier, au retour du marché où nous avons réussi à vendre quelques carnets fabriqués à partir de papier recyclé (et quelques nouvelles fabriquées à l’aide de nos neurones en goguette). Aujourd’hui, la ville baigne dans un brouillard laiteux, alors que nos bienveillants dirigeants ont allongé nos laisses de un à vingt kilomètres, et nos temps de galipettes extérieures à trois heures au lieu d’une seule.
La lecture d’Oulitskaïa occupa précisément deux heures dans l’après-midi de samedi. Peut-être m’en reviendra-t-il des échos, un jour, pendant que j’écrirai autre chose, qui sait. De toute façon, je me suis remise, encore et encore et encore, à la relecture de Contre tout espoir de Nadejda Mandelstam. J’ai toujours plaisir à retrouver son intelligence sans compromis, et à comparer la traduction française* et la traduction anglaise** de ses mémoires.
Le hasard a voulu que je me retrouve au même moment avec, entre les mains, un roman par un américain, roman encensé par la critique américaine et qui prétend nous raconter l’histoire inventée d’un noble descendant de l’aristocratie russe, mis en arrêt pendant trente-deux ans dans le célèbre hôtel Metropol de Moscou. Comme le tout est supposé se dérouler à la même époque de terreur stalinienne que celle décrite par Nadejda Mandelstam, le ridicule de l’histoire n’en est qu’accentué, au point d’être au même niveau de crédibilité que le ballet Casse-Noisette comme description de la réalité quotidienne.
Comme le veut la coutume américaine, le livre s’ouvre sur des pages entières d’éloges de la part des grands quotidiens et d’auteurs bien connus. Les lecteurs sont-ils trop incertains de leur propre capacité à juger ce qui leur plaît, ou pas ? Chose certaine, cela me confirme dans l’inutilité de soumettre mes écrits au jugement des agents littéraires. Je leur laisse le plaisir financier de “découvrir” d’autres auteurs à succès avec contrats de traduction en ‘plus de’ trente-cinq langues (je crois qu’il faut comprendre trente-six).
Et je retourne à Nadejda, et à ma propre écriture.
*Nadejda Mandelstam Contre tout espoir, souvenirs traduit du russe par Maya Minoustchine, préface de Joseph Brodsky, collection tel Gallimard, 2012
**Nadezhda Mandelstam, Hope Against Hope, translated by Max Hayward, with an introduction by Clarence Brown, Penguin Books, 1970
post-scriptum: la connexion à internet est extrêmement aléatoire ces temps-ci. J’en profite quand la technologie le permet. À savoir si cet article paraîtra ou pas…mystère.
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The photo was done yesterday afternoon on my way back from the outdoor market where we managed to sell a few notebooks (made out of recycled papers) and a few of our stories (made with the help of our happy-go-lucky neurons). Today, the town is bathed in milky fog while our benevolent leaders have extended our leashes from 1 to 20 kilometers and our gallivanting about to 3 hours instead of 1.
The reading of Ulitskaya took up something like two hours on Saturday afternoon. Perhaps echoes from it will rise up some day while I’m writing something else, who knows. In any event, I’m back yet again in a re-re-re-reading of Nadezhda Mandelstam’s Hope Against Hope. Reconnecting with her uncompromising intelligence is always a pleasure, as is the exercise of comparing the French and the English translations of her memoirs.
Chance has it that I find myself at the same moment with a copy of a novel by an American, novel that purports to tell the invented story of a noble heir of the Russian aristocracy, purportedly spending thirty-two years in house arrest within the famous Metropol Hotel in Moscow. As all this is supposed to be occurring in the same time frame of Stalinist terror described by Nadezdha Mandelstam, the ridiculousness of the story is even more accentuated, to the point of making the ballet The Nutcracker Suite look like a realistic depiction of everyday life.
As is the custom in American publishing, the book opens with page upon page of praise from every major newspaper and noteworthy author. Are readers too insecure to risk passing their own judgment on what they like, or don’t? One thing is for certain, I’m comforted in my decision not to submit my writing to the judgment of literary agents. I leave them to the financial pleasure of “discovering” other bestselling authors with ‘more than’ 35 translations in foreign languages (I suppose this means 36).
And back to Nadezha (and my own writing) I go.
p.s. The connection to internet is extremely random these days. I take advantage of it when I can. Whether this post will appear or not…a mystery.