
pendant que certains cherchent à débusquer les trois signatures mal tracées sur des milliers de bulletins de vote en guise de “preuve” d’une élection volée
et pendant que certains ratissent le terrain pour ceux et celles qui viendront rogner encore davantage sur le champ d’expression du caractère unique de chacun et de chacune
je n’arrive pas à me remettre au “modèle social” de facebook dans lequel les messages des uns et des autres arrivent comme un sac postal déversant d’un seul coup cartes de voeux, publicités, factures, notes d’huissier, poèmes, appels à manifester, recettes, invitations…
et j’en reviens à un bout de conversation avec une amie enseignante, hier. Parlant de l’effet de glissement de l’attention chez les enfants (et les adultes aussi, sans aucun doute), nous notions comment la “connaissance acquise” de la semaine précédente (le verbe, par exemple) ne se maintenait pas dans la semaine suivante (quand il s’agissait de trouver le sujet de ce verbe dans la phrase.)
J’ouvre Eté froid & autres textes d’Ossip Mandelstam* et je tombe sur le passage suivant: “…le poète qui a oublié le verbe est exactement comme un aviateur ou un chauffeur endormi aux commandes ou au volant.”
Ça ne vaut pas seulement pour le poète. Car, disparu le verbe, tout devient un vaste bruissement de “rumeurs inquiétantes” et, comme chacun sait, une “rumeur inquiétante” fait plus de dommage qu’un fait avéré.
* Ossip Mandelstam, Été froid & autres textes traduit du russe par Ghislaine Capogna-Bardet, Actes Sud 2004
*
while some attempt to find three poorly written signatures on thousands of votes as “proof” of a stolen election
and while some prepare the ground for those who will reduce even further the range of expression of each unique individual
I can’t seem to manage to get back into the facebook “social model” in which everyone’s messages land like a sack of postal matter suddenly dumping a hodge-podge of greeting cards, ads, bills, bailiffs’ notices, poems, calls to demonstrations, recipes, invitations…
so I revert to a bit of conversation I had with a teacher yesterday. Speaking of the sliding away of children’s attention span (and that of adults too, no doubt) we noted how “acquired knowledge” from the previous week (the verb, for example) did not maintain itself in the following week (when it was required in order to identify that verb’s subject in the sentence).
I open Ossip Mandelstam’s Ete froid & autres textes (Cold Summer and other texts) and come across the following passage: “...the poet who forgets the verb is exactly like an airplane pilot or a driver who has fallen asleep at the controls or at the wheel.”
This doesn’t only apply to poets. For, once the verb disappears, all that remains is a vast rustling of “troubling rumors” and, as everyone knows, a “troubling rumor” does a lot more harm than an averred fact.