suspense…

confinement, acte 2, scène 1 :

au cinéma , au théâtre ou dans un polar, le suspense procure un délicieux frisson – l’équivalent pour adultes du jeu de “coucou !” qui provoque des éclats de rires chez les tout petits. On joue à se faire peur…bien au chaud sous la douillette.

Climat morose sur le marché en plein air ce matin. Malades ou encore en bonne santé, nous vivons tous sous le règne des questions sans réponses – ou de réponses qui se tortillent comme des lombrics tentant d’échapper à leur sort d’appât sur l’hameçon du pêcheur.

Le crémier s’interroge: doit-il renouveler sa commande de fromages, au risque de devoir en perdre plus de la moitié ? Maintenir son approvisionnement, comme si de rien n’était? Mystère.

Le maraîcher affirme être en CDD de 15 jours. Renouvelé dans la quinzaine suivante ? Qui sait ?

La “maman des cochons” distribue son numéro de téléphone aux clients. “Nous livrerons, si nécessaire”, dit-elle.

Le cirque reprendra-t-il ses cours pour adultes et pour enfants ? Histoire à suivre…

Et ainsi de suite.

Au travers de tout ça, je me prends à rêver que quelques personnes se mettent à réfléchir au fait que cet état d’incertitude permanente, en pire, c’est justement le sort que doivent subir les réfugiés et demandeurs d’asile jour après jour, dans l’attente du rendez-vous (ou même, de la possibilité d’en obtenir un) qui décidera de leur sort, éternels voyageurs dans le monde de l’incertain, pour qui le suspense s’est transformé en façon de vivre, jour après jour après jour. Ce qui n’a rien du frisson délicieux, bien au chaud sous sa couette. Ils ont beaucoup à nous apprendre, au royaume de l’incertain.

*

confinement, Act II, Scene 1

in movies, dramas or noir novels, suspense provides a delicious thrill – the adult equivalent of the “peek-a-boo!” game that provokes gales of laughter in little ones. You play at being scared…warmly tucked in under your comforter.

The mood was glum this morning at the outdoor market. Whether sick or healthy, we’re all living under the reign of questions with no answers – or answers that twist and turn like worms trying to wriggle away from their fate as fishing bait.

The dairy man wonders: should he renew his order of cheeses, at the risk of losing more than half? Maintain his supply, as if nothing would happen? A mystery.

The greengrocer claims he is on a 15 day short-term contract. Renewable in another 15 days? Who knows?

The lady everyone calls “the pigs’ mamma” hands out her phone number to customers. “Don’t hesitate in calling. We’ll deliver, if need be,” she says.

Will the circus take up its classes for children and adults? Stay tuned for the news.

And so on.

Through it all, I start dreaming that, perhaps, a few people will start realizing that this permanent uncertainty, in an even more severe version, is precisely the fate to which are subjected refugees and asylum seekers who, day after day, are waiting for an appointment (or for the possibility of getting an appointment) that will seal their fate, eternal travellers in the world of the uncertain, for whom suspense has become a way of life, day after day. It has no relationship to that delicious thrill, nicely tucked under the warm comforter. They have a lot to teach us, in the realm of the uncertain.

Leave a comment