3 mai 2020

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c’est un polar taillé dans la masse, du genre publié par tombereaux, avec une durée de vie moyenne en rayons de 3 mois. Il me fait penser à cette “grille pour discours” que nous avions élaborée à l’époque: choix de thèmes, d’intro, de rebondissements, de conclusions…Les descriptions de personnages: les hommes sont soit des “mini-Schwarzenegger ou courts sur pattes, chauves, malingres et à lunettes (mais futés, ha-ha!); des femmes, on apprend qu’elles ont des yeux  – bleu, verts, bruns ou noirs (toujours utiles, quelqu’en soit la couleur) des cheveux (idem), des poitrines et des postérieurs plus ou moins agréables à l’oeil.  Ah oui, aussi qu’elles pleurent facilement. Et dans ce monde pourri où meurtres, viols et taloches variées prédominent, une petite flamme d’honnêteté vacille dans un être, un seul ou peut-être…deux ?

Bref, je suis passée à deux doigts de raccourcir la durée de vie du polar en question. La petite flamme intérieure a dit: “Non, Lucie, lis jusqu’au bout.” L’histoire se termine super bien: pensez donc, le pécheur repenti retrouve sa mimine aux yeux bleus adorée et…oui ! un troisième viol est évité de justesse tandis qu’ un deuxième bébé désiré se prépare !

Il faut être tombée bien bas en ce nième jour de confinement pour s’attarder sur une lecture pareille ? Oui et non. Comme je n’ai pas de télé ni de téléphone multifonctionnel, c’est une façon comme une autre de prendre le pouls de la crétinisation en marche (et ça n’est pas un malheureux virus qui va la retarder, oh que non ! Gouvernements et industriels veillent, et de près, vous pouvez en être certains.)

Le plus étonnant dans ces 380 pages de phrases, d’expressions et de sentiments pré-digérés, c’est qu’il a bien fallu que l’auteur s’y tienne jusqu’au bout. Qu’il croit suffisamment fort à quelque chose pour se dire “allez, encore un effort, encore un paragraphe, encore une scène de violence, qu’est-ce que j’inventerais bien cette fois…” et ainsi de suite. Il a fallu qu’un agent littéraire se dise “ah ouais, ça devrait le faire, c’est parfait pour une lecture en avion…”, un éditeur a dû s’en dire autant et, hourra tra-la-la,  voilà je ne sais combien d’arbres supplémentaires en route pour la papeterie.

Et qu’importe alors que le personnage qui s’est fait démolir une  rotule et fracturer trois cotes dans le chapitre précédent se lève d’un bond en criant “euréka!” dans le chapitre suivant, puisque nous sommes dans un univers totalement factice, l’équivalent sur papier de ces jeux vidéo bouffe-cervelle. Dire que la nature se donne la peine de produire des modèles uniques et exclusifs de flocons de neige, d’humains…

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Ce matin: venu de je-ne-sais-où un grand iris jaune s’épanouit dans le jardin.

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it’s a one-size-fits-all police thriller, the kind published by truckloads, with an average shelf life of 3 months. It reminds me of that “speech template” we had put together at one time: choice of theme, intro, action-packed reversals, resolution…Character descriptions: the men are either mini-Schwarzennegers or short, bald and skinny with glasses (but clever ha-ha!); of the women we are told they have eyes – blue, green, brown or black   (always handy, no matter what color) hair (same), and breasts and behinds of lesser or greater eye appeal.  Oh yes: also, they cry easily. And in this rotten world in which murders, rapes and various beatings predominate, a tiny flame of decency flickers inside one person, one only or perhaps…two?

In short, I came close to shortening the life of this police confidential. The little inner flame said: “No, Lucie, read to the end.” The story ends really well: just think, the repentant sinner hooks up with his adored and blue-eyed sweetie-pie and…yes! A third rape is barely avoided while a second wanted baby is in the works!

You have to be fallen very low on this nth day of confinement to waste your time on such a book? Yes and no. As I don’t have a TV nor a multi-function phone, this is one way among others to keep a eye on the pulse of the ongoing cretinization (and it’s not one miserable virus that’s about to slow it down, oh no! Governments and industries are keeping a close watch, you can be sure of it.)

What most astounds me in these 380 pages  of pre-digested sentences, expressions and emotions, is the fact the author had to stick it out to the end. Had to believe strongly enough in something in order to tell himself “come on, one more effort, one more paragraph, one more violent scene, what can I make up this time…” and so on.   Some literary agent had to say: “oh yeah, this should work, perfect airplane reading…”, a publisher had to concur and yippy-yay, there went countless more trees to the paper mill.

And what does it matter then if the character who had one kneecap and three ribs smashed in the previous chapter jumps up yelling “eureka!” in the next one, since we are in a totally phoney universe, the equivalent on paper on those brain-eating video games. To think nature bothers to produce unique one-of-a-kind exclusive models of snowflakes, of  humans…

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This morning: one tall, solitary yellow iris blossoms in the garden, landed from parts unknown.

 

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