
8 avril 2020 –
Chaque matin, je lis une sélection d’articles dans la presse dite ‘mainstream’ anglophone et francophone – une habitude de longue date. Dans certains cas, le décalage entre le trivial et l’essentiel est tellement criant que j’éprouve ce que les experts appellent une “dissonance cognitive”.
Deux exemples récents de cette “dissonance”, tous deux glanés dans le vénérable New York Times: le premier, il y a quelques jours de cela, enjoignait les “télétravailleurs” c.à.d. les confinés par le virus qui peuvent bosser à domicile, à ne pas se “laisser aller”. En photo, on nous présentait un jeune homme bien de sa personne, ajustant sa cravate devant le miroir avant d’aller “au bureau” – dans sa cuisine, son salon ou sa salle de bain, qu’est-ce que j’en sais. Le message fondamental étant: ton costume-cravate = l’uniforme des troupes de choc. Ne l’oublie pas!
Aujourd’hui, c’était au tour d’une chroniqueuse (dont je ne lis jamais les chroniques) d’annoncer en titre qu’elle avait consulter un modiste sur des trucs pour se présenter à son avantage dans les séances de vidéo-conférence. On me dira que TNYT n’est pas à l’avant-garde de la révolution prolétarienne et je n’en disconviendrai pas. J’avoue d’autant plus spontanément qu’il m’arrive aussi de consulter Fox News pour constater les plus récentes avancées dans leur travail de sape sur les faits en faveur du monde des conspirationnistes de tout poil et de leur crédo du chacun-pour-soi. Mépriser l’adversaire ne suffit pas pour le contrer.
Puis je consulte Kedistan pour voir s’il y a quelque chose que je peux traduire du français à l’anglais (ou adapter en anglais à partir d’une traduction française de l’original en turc). Ce matin, il s’agissait de l’appel de Rabia Mine à cesser les grèves de la faim meurtrières– une méthode cruelle et inefficace de réclamer quoi que ce soit d’un gouvernement réfractaire à toute concession (ceci ne vaut pas seulement pour la Turquie) et, dans un contexte où le public est submergé d’informations et soumis à – oui – une bonne vieille dissonance cognitive de niveau pandémique. (Comme d’habitude, j’incluerai la traduction anglaise sur ce blog dès qu’elle sera publié sur le site de Kedistan.)
Pour ce qui est de l’illustration, elle n’a rien à voir si ce n’est des limites sur mon aire de circulation ces jours-ci. Une autre mégisserie en ruine au bord de la rivière. (De ce que j’en ai lu, la “ruine” a débuté dans les années 90 lorsque le gouvernment a imposé des normes sur la pollution de l’eau et la plupart des propriétaires de mégisserie ont choisi de vendre plutôt que de se “ruiner” en traitant la rivière autrement qu’en dépotoir. Les ouvriers abandonnés à leur sort. Oui, bon, triste ou encore “désoléééé“)
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Every morning, I read a selection of articles from the so-called ‘mainstream’ media, both English and French – a habit of long standing. In some cases, the disconnect between the trivial and the essential is so glaring that I experience what the experts call ‘cognitive dissonance’.
Two recent examples of this “dissonance”, both lifted from the venerable New York Times: the first, a few days ago, enjoined “online workers” i.e. those confined by the virus, not to “let themselves go”. The photo showed a trim and fit young man adjusting his tie in front of a mirror before heading for his “office” – in the kitchen, the living room or the bathroom, who knows. The basic message was: your suit and tie= the uniform of front-line troops. Don’t forget it!
Today it was the turn of a columnist (whose column I never read) announcing in her title that she had garnered tips from a fashion expert to look your best in a video-conference. Someone is bound to remind me that TNYT is not part of the shock troops of the proletarian revolution and I will not disagree. Therefore, I spontaneously admit to sometimes consulting Fox News also to note the most recent advances in their undermining of facts in favor of the every-man-for-himself worldviews of conspirationists of every ilk. Despising the adversary is not enough to counteract him.
Then, I move on to Kedistan, to see if there’s anything I can translate from French to English (or adapt from a French translation of a Turkish original). This morning, this consisted of Rabia Mine’s appeal to stop deadly hunger strikes – a cruel and inefficient method of demanding anything from a government averse to any concessions (this does not apply to Turkey only), and in a context where the general public is drowning in information overload and, yes, good old cognitive dissonance of pandemic proportions. (As usual, I’ll include the translation here as soon as it’s published on the Kedistan website.)
As for the illustration, it has nothing to do with the topic, save for the limitations on the area I can cover these days. Another tannery in ruins by riverside. (From what I’ve read, the “ruin” began in the 90s when the governent began imposing restrictions on water pollution and most of the tannery owners chose to sell rather than “ruin” themselves on treating the river as something other than a dump. The workers left behind? Too bad, so sad.)