
29.3.20 –
Le 7 mars, le ministre de l’intérieur de la Turquie, poursuivant la politique de désinformation et de tromperie servant à utiliser les migrants comme ’boutoir’ dans le chantage avec l’Union européenne, affirmait que quelques 143 000 réfugiés avaient réussi à entrer en Grèce, que la température étant des plus clémentes et le niveau de l’eau au plus bas dans la rivière (quelque 45 cm, disait-il), ma foi, c’était à peine si on se mouillait le gros orteil avant d’atteindre les rives tant espérées de l’Europe.
Les 27 et les 28 mars, les migrants qui n’avaient pas encore “dégagé” la zone entre la frontière grecque et la frontière turque, malgré les gazages et les coups de matraque des uns comme des autres, se voyaient “chargés” à bord d’autobus, après que leurs abris et leurs effets personnels aient été incendiés par les forces turque dites de l’ordre. Les hommes, femmes et enfants se voyaient gracieusement répartis au hasard la chance dans l’un ou l’autre de neuf centres de rétention. Présageant d’expulsions vers des zones qu’on ne considère plus comme ‘à risque’ du moment qu’aucun des médias internationaux n’y a fait mention des plus récents bombardements. C’est ici, si vous voulez plus de détails.
Evidemment, cette gracieuse façon d’agir était un témoignage de soucis humanitaires pour leur bien-être et leur santé, en ces temps de coronavirus. Ça doit être aussi vrai que les 45 cm d’eau dans la rivière, puisque les propos émanent du suave Ministre de l’Intérieur de la Turquie, celui-là même qui prévenait l’Europe le 22 mars dernier: “Nous pourrions ouvrir les vannes et vous envoyer tous les mois 15 000 réfugiés, si nous le voulons.” (Seulement 15 000? Je suppose qu’il n’est aucun besoin de citer des nombres plus élevés, vu que l’Europe ne veut même plus en accueillir un seul. Et puis, c’est joli, n’est-ce pas, cette image des vannes déversant…ben, des êtres humains, en fait.)
Le tout me rappelle fortement La trève de Primo Levi, raison pour laquelle son livre sert d’illustration aujourd’hui. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce livre, c’est le récit de Levi de la longue marche de plusieurs mois entamée par des rescapés des camps nazis pour rejoindre leur terre natale. Un livre étonnant et qui parle de survie de façon magistrale. Et drôle ? Et bien, oui, figurez-vous.Selon le principe qu’il est bon de rappeler régulièrement: on ne rit pas parce que c’est drôle, on rit pour que ça le devienne.
A part ça, il y a des endroit dans le monde où même le confinement est un privilège. Un toit, de la nourriture, de l’eau (et du savon, bien sûr, la meilleure des armes de destruction massive de ce minable petit coronavirus égaré sur une poignée de porte, dont la structure se désagrège sous le savon de la même façon que la graisse du poëlon attaqué par un détergent. Je lui souhaite un retour aux sources sans encombre, là où les virus…euh…s’assemblent ?)
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On March 7th, the Minister of the Interior in Turkey, pursuing a policy of disinformation and of deliberate trickery in order to use migrants as a battering ram in the blackmail operation agains the European Union, stated that some 143 000 refugees had managed to cross into Greece, that the weather was clement and on the rise, and that the water level in the river was at its lowest (45 cm) so that, by golly, one hardly got a big toe wet in reaching the desired shored of Europe.
On March 27 and 28, those migrants who hadn’t yet “cleared” the zone between the Greek and Turkish borders, despite being gassed and beaten by both parties, were herded aboard buses, after their shelters and personal belongings were burned by Turkey’s so-called keepers of “order”. The men, women and children were graciously spread out over nine retention centers. A sign of upcoming expulsions toward zones no longer considered “at risk” as long as no international media had mentioned any recent bombings there. More here, for details.
Of course, this gracious behavior testified to humanitarian concerns for their well-being and health, during these days of coronavirus. I’m sure that is just as true as those 45 cm of water in the river, since the words were pronounced by Turkey’s suave Minister of the Interior, the very same who, on March 22 said: “If we want to, we can open the sluice gates and send you 15 000 refugees per month”. (Only 15 000? I suppose there’s no need for higher figures, seeing how Europe doesn’t even want to deal with any new arrivals. Plus, it’s a pretty image, isn’t it, of sluice gates pouring out…pouring out…well, human beings, in fact.)
All of this strongly reminds me of Primo Levi’s The Truce, which is why the French version of the book serves as today’s illustration. For those who don’t know it, the book relates thelong march over several months by Levi and other survivors from Nazi concentration camps in order to reach their home lands. An astonishing book that speaks of survival in a masterful way. And funny too? Well yes, believe it or not. Based on the principle one is well advised to remember regularly: you don’t laugh because it’s funny, you laugh to make it so.
Apart from which, there are places in the world at the moment where confinement is a privilege. A roof, food, water (and soap, of course, the best weapon of mass destruction against that miserable little coronavirus forgotten by his buddies on some door knob, and whose structure disintegrates under soap the same way grease in a frying pan dissolves when attacked by detergent. I wish him an unencumbered return to the sources from which virus…uh…assemble?)