
Superlatifs –
L’autre jour, je feuilletais une pile de revues reçues d’une amie (j’aime bien lire les articles des mois après l’énervement qui les a provoqués, et en plus, je découpe les images qui m’inspirent pour une raison ou pour une autre.)
Bref, je feuilletais lorsque mon attention fut saisie par les mots “Mythique Atlantique”. Bouh, rien de moins. Mythique, ça n’est pas rien. En fait, il s’agissait d’une publicité pour une croisière à bord d’un paquebot qui vous dépose à New York après vous avoir imposé les platitudes éculées d’un “invité exceptionnel” (lui-même assez fatigué), les plink-et-plink d’un “pianiste virtuose” et les conférences d’un ‘historien’…bon, l’historien, lui n’a pas eu droit à son superlatif. Il n’empêche. Je me suis mise à noter les
bouleversant
magnifique
passionnant
extraordinaire
et
fascinant
truffant les références au moindre texte, film, série télé, spectacle et j’en passe. Plus la vie des gens dits ‘ordinaires’ se heurte à des limites, et plus s’accroît le besoin de rêve et d’évasion. Et vive les métiers d’avenir des pourvoyeurs de rêves-bidons s’engouffrant avec leurs baluchons remplis d’ersatz.
Ensuite, les zexperts s’interrogent sur l’ennui, le dégoût et les pannes du désir. Pourtant, il n’y a pas de mystère: À force d’ingurgiter du magnifique de pacotille, vient le jour où une simple tartine de vrai pain sans ‘label’ ni glose dithyrambique procure davantage de plaisir qu’une croisière mythique à bord d’un paquebot atteignant New York dans une “aube magique” (et ensoleillée, il va sans dire), avec une visite optionnelle (payante, eh, évidemment), dans le “coeur de Manhattan”, rien de moins.(Ils vous retournent chez-vous en avion, à la condition que la compagnie aérienne soit toujours en affaire. Il y a des limites à la magie magnifique qu’on peut obtenir à ce prix exceptionnel mais hâtez-vous, cette offre unique n’est valide que jusqu’au…et cetera).
(Puis-je me permettre de vous suggérer la lecture de Novecento d’Alessandro Barricco en lieu et place? Ou alors, Enfances de Marie Desplechin et Claude Ponti à L’école des Loisirs? À ne pas rater dans ce dernier cas: le dessin de de Gaulle enfant, avec une tête en forme de carte de la France.)
Les superlatifs sont en option et, de plus, on s’en fout. Pourquoi? Parce que le superlatif de l’un provoque des baillements d’ennui chez l’autre. A chacun ses délices et le monde ne s’en portera que mieux.
Superlatives –
The other day, I was leafing through a pile of magazines donated by a friend (I enjoy reading articles months after the excitement that caused them has died down, plus I cut out the images I find inspiring, for one reason or another.)
In short, I was leafing through when the words “Mythical Atlantic” grabbed my attention. Whoah. This was serious business. Mythical, no less. In fact, it was an ad for a cruise above a ship dropping you off in New York after subjecting you to the tired yammerings of a (also tired) “exceptional guest”, the tinkling keys of a “virtuoso pianist” and conferences by a historian’s…oh, the historian doesn’t rate a superlative. No matter. I started jotting down the words
moving
magnificent
gripping
extraordinary
and
fascinating
studding references to the slightest text, film, tv series, stage show, and more. The more the lives of so-called ‘ordinary” people are constrained by limitations, the greater the need to escape through dreams and get-aways. Hurray for jobs with a future for dream purveyors rushing in with junk-dreams out of a sackful of ersatz.
After which the nexperts ponder over boredom, disgust and desire going flat. There’s no mystery involved: Comes a point after ingurgitating too much phoney magnificence when the simplest slice of real bread with no ‘label’ and no dithyrambic gloss gives more pleasure than mythical cruises aboard a ship arriving in New York on the “magical dawn” (of a sunny day, it should go without saying), with an optional add-on visit (extra, of course, what do you think?) to the “heart of Manhattan”. (They fly you home afterwards, conditional on the airline still being in business. There’s only so much magnificent magic available at this exceptionally low price but hurry this unique offer expires on…etc)
(May I suggest you read Alessandro Barricco’s Novecento instead? Or Enfances by Marie Desplechin and Claude Ponti at L’école des Loisirs? In the latter case, don’t miss the drawing of de Gaulle as a child with a head shaped like the map of France.)
Superlatives are optional and, what’s more, we couldn’t care less. Why? Because one person’s superlatives is another’s bored yawns. To each his or her own delights, and the world sill simply be the better for it.