Le Marché –

Mercredi dernier, le vent soufflait très fort, alimentant le dernier en date des incendies de mégisseries abandonnées dans la commune. Les policiers enquêtent, l’incendie ayant toutes les apparences d’un acte criminel. L’immeuble avait-il encore la moindre valeur aux assurances ? Je ne sais pas. Une carcasse industrielle de plus dans un paysage qui n’en manque pas.

Pour une dizaine de jours, les habitants peuvent encore profiter du miracle d’un cinéma où depuis six ans, la programmation et les événements culturels se succèdent, attirant jeunes et vieux de tous les quartiers de la ville. Tout ça se terminera au 1er janvier. Le cinéma, propriété de la collectivité, a été vendu à un repreneur qui gère une chaîne de cinémas gobe-sous. Clap de la fin pour les versions originales, les films d’Art et d’Essai, les documentaires d’auteur, les séances avec goûters pour les petits, les concerts, les expositions…  Aux dires du maire, “c’était inévitable.” Inévitable, pourquoi? “La loi du Marché,” répond-il. Le cinéma enregistrait des records d’entrées. Apparemment, Le Marché se fout de telles considérations…?

C’est quand même fabuleux lorsqu’on entend ces phrases toutes faites qui nous parlent du Marché comme d’une sorte de divinité apte à tout dévorer ce qui est beau, intelligent, créatif, afin de produire…l’accélération du mouvement de dévoration.

Dans le hall du cinéma, le dernier marché en lettres minuscules des créateurs locaux se poursuit où il se fait aussi volontiers du troc entre artistes pour le grand bonheur de tous. Ce petit marché sera démantelé le 29. Le 31, nous nous retrouverons en nombre pour une protestation (“faites ce que vous voulez”, dit le maire, voulant dire “criez tant que vous voulez, les décisions sont déjà prises”. Quant à la directrice actuelle, “elle a un curriculum vitae impressionnant”, dit-il. Nous savons tous comment, à 59 ans, les “curriculum vitae” impressionnants ont un effet boeuf sur les employeurs potentiels.)

Le Règne du Marché, n’est-ce pas.

 

The Market –

The wind was blowing very hard last Wednesday, feeding the latest in the fires at abandoned tanneries in the town. The police is investigating, the blaze having every appearance of a criminal act. Did the building still have the slightest insurance value? I don’t know. One additional industrial wreck in a landscape studded with them.

For some ten days still, the residents can still take advantage of the miracle of a cinema where, for the past six years, the screenings and the cultural events followed on one another, attracting young and old from every neighborhood in the town. All that will end on January 1st. The cinema, a collective property, has been sold to a purchaser who manages a chain of quick-buck movie houses. End of the run for films in their original languages, Art and Essay screenings, exclusive documentaries, screenings followed by snacks for the kiddies, concerts, exhibitions… “Inevitable,” says the mayor. Why inevitable? “The laws of the Market”, he answers.  (The cinema had record attendance figures but, apparently, The Market, doesn’t care about that…?)

It’s really quite amazing when you hear those ready-made sentences telling you about the Market as if it were some kind of divinity allowed to devour everything beautiful, intelligent, creative, in order to produce…an acceleration in the devouring.

In the cinema’s entrance hall, the final  lower-case market  by local creators continues where the artists are just as inclined to trade goods as to sell them, to everyone’s delight. This little market will be dismantled on the 29th. On the 31st, we will gather for a protest (“do what you want” says the mayor, meaning “you can holler all you like, the decisions are already taken”. And as for the current manager who will be out of a job on January 1st, “she has an impressive cv”, says the man and we all know how, at age 59, an impressive cv bowls over prospective employers).

The Market Rules, don’t you know.