18 ans/18 years old

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18 ans –

En 1973 quand ce fut à mon tour de franchir cette ligne imaginaire entre l’adolescence et l’âge adulte, mon pays de naissance n’était pas en guerre, ni ouverte ni larvée. Et si le climat familial n’était pas des plus harmonieux, j’avais la possibilité de quitter le domicile paternel pour aller gagner ma vie et découvrir les tenants et les aboutissants de ce qu’on appelait “la maturité”.

D’aucune manière avais-je à craindre un embrigadement dans les forces dites “de l’ordre” ou leurs opposants. Ni, pour y échapper, à me soumettre à une traversée littérale du désert, suivie du risque d’esclavage ou de noyade. En supposant que j’aie survécu à pareilles épreuves – ainsi qu’aux pièges subséquents de la prostitution à coups de trique ou autres activités criminelles obligées sous peine de mort – je ne me serais pas trouvée à risquer l’éloignement de ma terre “de refuge” au motif d’avoir atteint l’âge vénérable de 18 ans.

Voilà quelques raisons pour lesquelles nous célébrerons pour une troisième année dans cette ville “la fête des 18 ans” avec ceux et celles pour qui cette date n’est pas synonyme de réjouissances…sauf de celles qu’on se crée soi-même avec des amis.

Pendant ce temps dans le monde plus vaste, Frontex, l’agence européenne chargée de surveiller les frontières, vient de lancer un appel d’offres “pour des services d’analyse des réseaux sociaux en matière de migration irrégulière.”  La surveillance en question couvrira les migrants potentiels, bien sûr, mais aussi “les passeurs” (ceux assez stupides pour s’afficher sur Facebook ou son équivalent en prendront pour leur rhume, les plus sérieux, non), mais aussi “la société civile et les communautés de la diaspora“. (Si vous avez accès à Médiapart, l’article se trouve ici.)

Ne vous en faites pas pour les passeurs. Chaque nouveau tour de vis est transmis directement à ceux tentant de fuir d’un espace à un autre. Un exemple: une tentative de passage depuis la France à la Grande Bretagne coûtait entre 500 et 800 euro en 2014. Le coût s’élève maintenant entre 5 000 et 10 000 euro. Ça ne laisse pas beaucoup de liquidités pour s’acheter une bougie d’anniversaire, et encore moins le gâteau sur lequel la poser. Quant aux personnes ou aux groupes tentant de venir en aide ou de protéger les réfugiés d’autres représailles, on les renommera “aides aux passeurs” plus vite que je ne peux inscrire les mots sur cet écran.

Mais bon. Ce soir, il y aura fête en ville. De la nourriture, de la musique, une collecte de fonds. A chaque jour suffit sa peine, comme d’habitude, à quoi sert de pleurer sur les ennuis qui pourraient nous tomber dessus demain?

18 years old –

In 1973 when my turn came to cross this imaginary line between adolescence and adulthood, my country of birth was not at war, neither an open one nor a simmering one. And if the family climate was not the most harmonious imaginable, I had the possibility of leaving the paternal home in order to earn a living and discover the ins and outs of what we called “maturity”.

In no way did I have to fear forced recruitment in the so-called “forces of order” or their opponents. Nor, in order to escape this fate, to subject myself to a literal crossing of the desert, followed by the risks of slavery or of drowning. Assuming I had survived such trials – and escaped the further traps prostitution enforced by blows or other assorted criminal ‘dead ends’,  I would not have found myself at risk of eviction from my land of “refuge” because I had reached the ripe old age of 18.

These are some of the reasons why we will celebrate in this town the “18th birthday” celebration for a third year in a row, with those for whom this calendar date is not a synonym for rejoicing…except for what you stage personally with your friends.

Meanwhile, in the wider world, Frontex, the European agency charged with surveillance of the frontiers, has just launched a call for tenders “for services of analysis of social networks regarding tendencies and predictions on questions of irregular migrations.” The surveillance to cover potential migrants, of course, but also smugglers (the ones dumb enough to advertise on Facebook or its equivalents will get hassled, but not the serious ones), but also “civilians and communities within the (European) diaspora.”

Have no fears for the smugglers. Every tightening of the screws gets passed on directly to the ones attempting to flee from one place to another. An example: an attempted crossing from France to Great Britain cost between 500 and 800 euro in 2014. The price has now shot up to 5,000 to 10 000. That leaves a lot of people unable to afford one birthday candle, let alone the cake to go with it. As for individuals or groups attempting to help or protect refugees from further harm, they will get re-labelled as “aiding smugglers” faster than I can type out those words on the screen.

Oh well. There’s a party in town tonight. Food, music, a collection of funds. Taking it day by day, as usual, what’s the point in crying over the troubles that might land on us  tomorrow?

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