
Frères humains qui après nous vivrez…peut-être –
Après un coup d’œil aux infos, j’ai envie d’écrire une lettre à nos petits-petits-petits-petits enfants…si tels existent un jour, et peuvent comprendre le français ou l’anglais.
Pour leur dire quoi, au juste? Que la plupart d’entre nous était des gens corrects. Facilement distraits, comme des enfants, de sorte que les plus malins pouvaient facilement tromper les autres, en leur offrant un sucre d’orge contre leurs droits à des terres et à des matières premières, par exemple. Et habiles à parler dans un salmigondis qui semblait si impressionant que nous savions qu’ils avaient toutes les réponses alors que n’avions que des questions inutiles.
Certains d’entre nous étaient des gens corrects. D’autres, beaucoup moins. Et au fur et à mesure que les temps devinrent plus difficiles, beaucoup de gens corrects abandonnèrent la partie. Quand tout devient question d’eau et de nourriture, il n’y a pas beaucoup de monde qui se mettent à gérer la survie de façon commune – ce qui offre pourtant de meilleures chances de réussite…
Pouvez-vous lire ce qui suit, petits-petits-petits-petits descendants?
“La triste vérité c’est que la plupart du mal est commis par des gens qui n’ont jamais décidé s’ils voulaient faire le mal, ou le bien.”
Si les questions d’éthique et de morale trouvent bien leur étymologie dans les mots qui les désignent, il devrait être aussi facile de modifier les us et coutumes d’un peuple que de changer leurs habitudes à table. La facilité avec laquelle un tel renversement peut se produire dans certaines circonstances laisse à croire que tout le monde dormait profondément au moment où cela s’est produit. Je fais référence, évidemment, à ce qui s’est passé dans l’Allemagne nazie et, jusqu’à un certain point aussi, dans la Russie stalinienne, alors que soudainement les commandements fondamentaux de la moralité occidentale se trouvèrent inversés: dans un cas “Tu ne tueras point”; dans l’autre “Tu ne porteras pas de faux témoignages contre ton voisin”. Et la suite – le renversement du renversement, le fait qu’il fut si étonnamment aisé de “ré-éduquer” les allemands après l’effondrement du troisième Reich, si aisé en fait qu’on aurait dit que la ré-éducation procédait de façon automatique – cela ne devrait pas nous consoler non plus. En fait, il s’agissait du même phénomène.” Hannah Arendt
…courage quand même?
Bien sûr.
Illustration: sculptures de Robert Kéramsi et Anna Mano au Mérou Palace, Graulhet (l’exposition se poursuit jusqu’au dimanche, 21 juillet, se cloturant avec performance à 21h30
Brother humans who will come after us…maybe –
After a look at the daily news, I feel like writing a letter to our great-great-great-great grandchildren…if any such exist and can make sense out of French or English.
To tell them what? That most of us were decent people. Easily distracted, like children so that the clever ones among us easily misled the others, offering a candy cane against land and mineral rights, for instance. And talking gobble-de-gook that sounded so impressive we just knew they had the answers while we had nothing but the useless questions.
Some of us were decent. Many of us, not so much. And as times got tougher, a lot of decent ones just gave up. When it boils down to food and water, not too many people figure out ways to make survival a communal thing – although this clearly offers the best chances at succeeding.
Can you read what follows, great-great-great-great descendants of ours?
“The sad truth of the matter is that most evil is done by people who never made up their minds to be or do either evil or good.”
“If ethical and moral matters really are what the etymology of the words indicates, it should be no more difficult to change the mores and habits of a people than it would be to change their table manners. The ease with which such a reversal can take place under certain conditions suggests indeed that everybody was fast asleep when it occurred. I am alluding, of course, to what happened in Nazi Germany and, to some extent, also in Stalinist Russia, when suddenly the basic commandements of Western morality were reversed; in one case, “Thou shalt not kill”; in the other, “Thou shalt not bear false witness against thy neighbor.” And the sequel – the reversal of the reversal, the fact that it was so surprisingly easy “to re-educate” the Germans after the collapse of the Third Reich, so easy indeed that it was as though re-education was automatic – it should not console us either. It was actually the same phenomenon.”
Hannah Arendt, The Life of the Mind, Harcourt Inc, 1978
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…forging on anyway?
Of course.
Illustration: Sculptures by Robert Kéramsi and Anna Mano at the Mérou Palace in Graulhet (exhibition continues until Sunday July 21, ending with a performance at 21:30)