Illusions

Illusions –

Lorsque les journaux soi-disant sérieux et responsables publient la photo de vingt “leaders mondiaux” faisant de joyeux signes de main comme une bande de gamins en colonie de vacances. Lorsque, parmi les “leaders mondiaux” l’un des truands responsable de tortures et de pertes avérées de vie et de libertés, fort de la veulerie ou de la franche complicité de ses pseudos-adversaires,  proclame qu’une majorité significative de gens en ont assez du “libéralisme”; lorsque les éditorialistes, dédaignant les sujets graves, se contente de faire grise mine à ce sujet comme à celui du    spectacle de la fille de l’un des truands papillonnant devant les caméras , on est en droit de s’interroger ouvertement sur le sérieux, la veulerie ou la complicité des  soi-disant journaux sérieux en question.

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Quant à ce pauvre Emmanuel Kant, dans le livre emprunté d’un ami*,que dire. Ayant admis son statut d’hypocondriaque mélancolique dans l‘Essai sur les maladies de la tête’, il poursuit comme ceci dans ses Observations sur le sentiment du beau et du sublime: “La vraie vertu, celle qui est fondée sur des principes, a en elle-même quelque chose qui paraît bien s’accorder avec le tempérament mélancolique, au sens atténué du terme.”

En gardant cette observation présente à l’esprit durant la lecture, on a la clé essentielle  à la compréhension des écrits d’Emmanuel Kant pour qui les principes constituaient la source de la “vraie verrue” et le rempart ultime contre le suicide. Ce en quoi il avait peut-être raison. Ou alors, quelque chose autre que les principes rendaient la mélancolie suffisamment agréable lui interdisant de s’en priver. Ou encore, cette notion de lui-même en “homme de principe” lui plaisait assez pour le contenter.

Quant à ses observations on sujet des femmes ( à peu près du niveau de la métaphore selon laquelle les femmes proviennent de Vénus et les hommes de Mars) et comment les tendres attributs féminins ne sauraient être soumis à des exercices virils telle la géométrie, elles sont a peine au niveau des observations issues de son époque. (A son avis, la marquise du Chatelet aurait aussi bien pu porter la barbe en raison de son intellect.) Ah bon.

* Emmanuel Kant, Essai sur les maladies de la tête Observations sur le sentiment du beau et du sublime, GF-Flammarion, 1990

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Scènes de gares à Toulouse hier après-midi, en attendant mon transport vers la maison:

Un homme/femme d’intellect fort réduit, portant barbe et seins de femme, une robe si courte que chacun s’attendait à découvrir la nature de son appareil génital, jambes épilées et talons aiguille, geignait et importunait une femme obèse et bourrue qui passait son temps à lui hurler: “Vas-t-en! Dégage! Vas chercher de l’eau toi-même! Vas quêter tes cigarettes ailleurs!”, administrant à l’occasion des coups avec un sac en plastique comme pour chasser une mouche. Les autres personnes en attente, comme moi, faisaient de leur mieux pour les ignorer. Des gardiens de sécurité déambulaient lentement à l’occasion, les voyageurs pressés passaient rapidement avec des airs sidérés. L’homme/femme et son/sa ‘gardienne’ étaient si manifestement dépourvus d’un niveau moyen d’intelligence qu’ils présentaient un aperçu effrayant du sado-masochisme de l’existence humaine dans un des sous-bassements de la dégradation.

Je me déplace vers la gare routière.  Sur les quais d’embarquement, au total, trois bancs (occupés). Les gens debout ou accroupis. Parmi ces derniers, un groupe d’adolescents d’au plus 15 ans. Les garçons se donnaient des allures de racaille et parlaient sans arrêt de concours de dégueulis à la vodka, au rhum et au wiskey. Les filles ricanaient en s’échangeant des photos sur leurs téléphones  (parmi elles, le tandem habituel de la petite boulotte, compagne de la grande et mince princesse), ou alors faisaient de leur mieux pour paraître et parler ‘trash’ (l’une des filles, en rouge à lèvre, vêtements et coupe de cheveux de garçon prétendait avoir reçu des avances de la part d’un travesti), les autres engagées dans une compétition de bataille à coups de fessiers. Un jeune quêteur s’en approche, un peu plus vieux qu’eux et probablement Rom. Il leur suggère de contribuer chacun 10 centimes pour lui accorder un euro. Je lui dis que je n’ai que le montant de mon billet de transport. “Je ne veux pas dire vous, Madame” dit-il, et répète sa sollicitation auprès des jeunes qui l’ignorent. Nous échangeons quelques regards et quelques mots, lui et moi, sur le fait que la vie n’est pas facile et il repart tenter la manœuvre sur un autre groupe d’adolescents.

Le dernier contact humain sur le quai d’embarquement: une femme dans la trentaine, visiblement en mauvaise forme, tentant d’établir une sorte de communication au sujet de sa psychiatre qui prétend qu’elle sera très bien à condition de prendre ses médicaments, mais la psychiatre ne sait pas à quel point l’angoisse est terrible – l’angoisse, vous savez? L’angoisse qui enfonce ses griffes dans sa tête et tente de lui manger le cerveau.

Tout ceci parce que j’ai commis l’erreur de lui accorder le plus bref des regards ce qu’elle a perçu, je suppose, comme la chose la plus proche d’un contact humain.

Le bus arrive avec son chauffeur habituel.

Une femme plus jeune que moi, reprend le rôle d’écoute.

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Quant au trajet d’Angers vers Toulouse: la conductrice était une jeune femme de dix-huit ans, partant pour son premier emploi d’été loin de papa et maman. Elle était des plus polies et n’a pas exprimé une seule pensée personnelle de tout le trajet, répétant à l’envie toutes les opinions parentales au sujet du travail sérieux et des paresseux qui profitent du système. Elle était jeune et jolie. Je n’ai pas tenté de mettre en doute ses affirmations mais j’avais de la peine pour elle en songeant à quel point elle serait fracassée (ou vindicative) lorsque la vie lui jouerait quelques vilains tours.

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Et maintenant, chez moi.  Ciel couvert et température douce. J’ai dormi les fenêtres ouvertes. La barrière entre chez moi et le nouveau logement à côté n’est pas terminée encore, j’ai donc encore un accès facile à internet au bureau du cirque.

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When the so-called serious and responsible news media publish as newsworthy the photo of twenty ‘world leaders’ waving at the camera like a bunch of kids at day camp. When, among the ‘world leaders’, one of the goons, empowered by the cowardice or open support of his pseudo-adversaries, a man  responsible for averred  torture, losses of life and liberty  proclaims that a significant majority of people have had it with ‘liberalism’;  when the editorialists, setting aside more important questions, settle for cluck-clucking over this and over the spectacle of one of the goons’ daughters flitting about, one is more than entitled to question the seriousness, cowardice or compliciteness of so-called serious and responsible news media.

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As for poor old Emmanuel Kant, in a book borrowed from a friend’s house* what can I say. Having acknowledged his status as a melancoly hypocondriac in the Essay on the maladies of the head, he moves on in Observations on the Beautiful and the Sublime to this : “True virtue, that based on principles, possesses something that seems well adapted to the melancolic temperament, in the attenuated sense of the term.”

* Emmanuel Kant, Essai sur les maladies de la tête Observations sur le sentiment du beau et du sublime, GF-Flammarion, 1990

If you bear this observation in mind while reading the rest, you have your essential key to understanding Emmanuel Kant for whom principles stood as the source of virtue and ultimate rampart against suicide. Perhaps he was right. Or maybe something other than principle made the melancoly enjoyable enough to forswear doing without it. Or, yet again, this image of himself as a “man of principle” was pleasant enough to serve as his source of contentment.

As for his observations on women (about at the level of the metaphor about women being from Venus and men from Mars) and how tender womanly attributes do not bear being subjected to virile exercises such as geometry, they barely rank as observations straight out of his own historical period. (In his estimation, the marquise du Chatelet might as well have sported a beard because of her intellect.) Ah well.

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Scenes from the Toulouse train and bus stations yesterday afternoon, while waiting for the final transportation home:

A man/woman of most reduced intellect, sporting a beard, womanly breasts, a dress so short everyone wondered which of the genital organs would peep out, smooth legs and high-heels, wheedled and whined away at a fat, glum-faced woman who kept on screeching back the French equivalents of: “Fuck off! Get lost! Go get your own water! Go bum your own cigarettes!” and so on. Also swatting at the man/woman with a plastic bag on occasion as you would to chase away the flies.  The rest of us did our best to ignore them both. Security guards walked back slowly on occasion, travellers passing through gawked. The man/woman and his/her ‘keeper’ were so clearly devoid of an average level of intelligence, they offered a frightening glimpse into sado-masochistic human existence at some basement level of degradation.

I then trudged across to the bus station. A total of three benches  (occupied) out in the boarding area. People stood or squatted on the ground. Among them, a group of teenagers, none of them older than 15. The boys attempted to look like low-life and talked of nothing but vodka, rum and wisky barfing contests. The girls  giggled and shared photos on their phones (among the girls, the usual couple of short and dumpy sidekick to tall and slim princess) or did their best to look and talk trash (one girl with boyish dress and haircut and lipstick claiming she was propositioned by a drag queen, others doing contests of butt fights.) A young panhandler approached, a few years older than they and probably a Rom. He suggested they each contribute 10 centimes to make up one euro for him. I told him I had money for my fare and nothing else. “I don’t mean you, Madame”, he said and reiterated his message to the teenagers who ignored him. He and I exchanged glances and a few words about life being a tough proposition and he went off to try his ploy on another group of teenagers.

The final human contact in the boarding area: a woman in her thirties, visibly in bad mental shape, attempting to establish some kind of communication about her psychiatrist claiming she’d be fine as long as she stuck to her meds, but the psychiatrist didn’t know how awful it was – the anguish, you know? The anguish, clawing at her head and wanting to eat her brain.

All this because I had made the mistake of the briefest glimpse in her direction which, I suppose, was the closest thing to human contact in her estimation.

The bus arrived with the usual driver.

The role of listener was then taken over by another woman a bit younger than I.

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As for the drive from Angers to Toulouse: the driver was an eighteen-year old girl, off to her first summer job away from papa and maman. She was most polite and did not voice a single personal thought during the whole trip, simply reeling off all the parental expressions about hard work and lazy people taking advantage of the system. She was young and pretty. I did not attempt to question her mindset, but felt sorry at how shattered (or vindictive) she would be, if and when life played any nasty tricks on her.

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And now home. Sky overcast and temperature nice and cool. Slept with the windows open. The barricade between this and the new apartment in the other part of the building isn’t quite finished yet, nor is the new apartment, so I still have easy access to the internet connection at the circus.

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