mais, pourquoi…/But why…

Mais, pourquoi…

Lors d’une soirée hier, quelqu’un m’a demandé pourquoi j’écris mes fictions en anglais et pourquoi je ne les traduis pas en français afin que mes amis du cru puissent les lire. Quelqu’un d’autre répondit à ma place: “Parce qu’elle ne veut pas que nous sachions qu’elle parle de nous.”

Ce qui n’est pas le cas. Je ne vois pas l’intérêt d’histoires qui ne sont rien d’autre que des transcriptions de la “vraie vie”, avec seulement un changement de prénoms qui serve de masque à Pierre, Jean, Jacques ou Aly. Il est possible que je remarque une coiffure particulière et qu’elle devienne celle d’un personnage fictif, mais pas à la façon d’une perruque; plutôt parce que la coiffure elle-même a inspiré le besoin d’avoir ce personnage précis apparaître sur la scène fictive pour y explorer une situation imaginaire. (Parfois, c’est un prénom qui s’impose d’abord et il me faut découvrir de qui il s’agit et pourquoi il ou elle tient tant à s’exprimer à ce moment précis.)

C’est un besoin qui n’a rien à voir avec un règlement de comptes déguisé, mais davantage une découverte d’autres possibles à une situation donnée. Ma façon personnelle d’appliquer le “connais-toi toi-même” de ce cher vieux Socrate.

Et si j’écris dans “l’autre langue” que celle dans laquelle je vis (aux Etats-Unis, j’ai écrit en français alors que ma “vraie vie” se déroulait en anglais) c’est, je crois, une façon instinctive d’opérer cette mise à distance qui m’est  nécessaire pour transformer des faits brutes en situations imaginaires.

Enfin. C’est comme ça que le tout s’opère pour moi – et c’est une façon de faire que j’applique du plus loin qu’il m’en souvienne.

Illustration: il s’agit d’une tache sur le mur de la salle d’exercice au cirque. Je lui trouve un air de Klee réjoui et je concentre mon attention dessus quand je marche sur le fil de fer.

But why…

At a social event last night, someone asked me why I write my fiction in English and why I don’t translate it all into French so that local friends can read it. Someone else answered in my stead: “Because she doesn’t want us to know she’s talking about us.”

Which is not the case. I don’t see the point in stories that are nothing but transcriptions from real life with a change of names thrown in as cover-up to the “real” Pierre, Jean, Jacques or Aly. I may note this one’s hair style and apply it to a fictional character, not as I would use a wig but because the hair style itself inspired the need for this specific character to step out on the fictional stage. (Sometimes, the name shows up on its own and it’s then my job to discover who is this person and why he or she feels the need to speak up at this point.)

This is a need that has nothing to do with a disguised settling of accounts, but serves more as an exploration of other possibilities to a given, imaginary situation. My personal way of applying the famous “know thyself” of dear old Socrates.

And if I write in “the other language” than the one in which I live (in the States, I wrote in French while my “real life” occurred in English), I think it’s an instinctive way to achieve the distancing I need in order to transform facts into imaginary situations – something I’ve been doing for as long as I can remember.

Illustration: A stain on the exercise hall at the circus. I find it has something of the look of a joyful Klee, and concentrate on it when I walk on the tightrope.

 

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