Confession

Confession –

Lors d’une événement récent, ma voisine immédiate  souffrait d’angoisse chronique et envahissante – un problème en soi. Elle était aussi moins-que-futée. Une combinaison qui doit être dure à vivre pour la principale intéressée, mais qui démolit aussi en un temps record toute prétention qu’on pourrait avoir à la compassion et à la tolérance. Dieu, elle était si peu futée que j’avais envie de lui taper le crâne pour voir si ça résonnerait.

Je ne l’ai pas fait, bien sûr, préférant me tenir à distance autant que possible. Mais voilà: le péché d’intention, je l’ai bel et bien commis.Je le mentionne à cause du libellé de la loi.

Un libellé contesté devant le Conseil constitutionnel par François Sureau, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.  Je relisais sa plaidoierie contre 3 dispositions sur les lois relatives au terrorisme et à l’état d’urgence, publiée chez Tallandier en 2017*. Il y a des lustres, en somme. En plus, vous me direz que la fameuse loi  n’est plus. C’est vrai. Elle n’existe plus parce que, en octobre 2017,  ses dispositions ont été versées à la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui dote l’Etat “de nouveaux moyens juridiques de droit commun permettant de mieux prévenir la menace terroriste hors période d’état d’urgence.” Il va sans dire que ces “nouveaux moyens” ont eu tôt fait de s’appliquer à un champs débordant largement celui du contrôle du terrorisme.

Les 3 dispositions en question? Elles portent sur des éléments fondamentaux de la liberté: celle de penser, de s’exprimer et celle d’aller et venir à sa guise. Or, “la loi sur la sécurité intérieure donne compétence au préfet pour instaurer des périmètres de protection sur le modèle des “zones de protection ou de sécurité” de l’état d’urgence”…”S’il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement d’une personne constitue une menace d’une particulière gravité…l’autorité de police peut imposer à la personne de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé…”http://www.vie-publique.fr/focus/etat-urgence-loi-renforcant-securite-interieure-lutte-contre-terrorisme.html

Est-ce la raison pour laquelle samedi dernier, sans préavis aucun, la circulation des TER s’est soudainement interrompue entre Toulouse et les villes avoisantes pour réapparaître sans explication une fois les manifestations terminées? Le préfet aurait-il eu l’inquiétude que certaines personnes pourraient vouloir circuler par train pour se rendre à ces manifs et y commettre des actes répréhensibles? Paranoïa de ma part? Bien sûr, mais vu le retour du péché d’intention sous la forme de crime potentiel, et l’imagination débordante des autorités en la matière…  Alors que la doctrine juridique repose sur la présomption d’innocence, ces dispositions introduisent dorénavant la présomption d’intention coupable. Ce qui veut dire, dans les faits, qu’un gendarme qui fouille le sac de quelqu’un et y trouve du sérum physiologique est en droit de le confisquer et même, de procéder à une garde à vue. Eh. Sérum physiologique = intention probable de participer à une manif au plus fort des champs de gaz lacrymogène, n’est-ce-pas, non pas pour y exprimer une opinion mais afin d’y commettre des actes criminels? Allez hop, au poste et plus vite que ça.

Alors, seconde confession: dans mon sac, je transporte toujours du…du…sérum physiologique. Voilà, c’est dit. Parce que je me tiens prête à manifester en tout temps et en tout lieu, avec l’intention d’y commettre des actes criminels? Non, parce que je suis sujette à des allergies intempestives et alors, mes yeux gratouillent sérieusement.

Sérieusement, en effet.  “Ce n’est pas en ôtant du cerveau du citoyen, selon le mot de Tocqueville, le trouble de penser, qu’on peut espérer triompher de ceux qui précidément veulent qu’on ne pense pas.“** Et comment prendre au sérieux un gouvernement qui ne l’est pas? Grave question qui qui provoque un prurit appellant des rivières de sérum physiologique.

Entretemps, puisque je suis intrinsèquement de disposition criminelle, je suis toujours à m’interroger si de taper sur le crâne de ma voisine aurait produit un son en majeur ou en mineur. Vu ses angoises existentielles, en mineur, sûrement.

* et **François Sureau, Pour la liberté – répondre au terrorisme sans perdre raison, Tallandier essais, editions Tallandier 2017

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Quant aux “arrestations préventives”, voir “Les arrestations préventives ou la fin du droit de manifester”

 

Confession –

At a recent event, my immediate neighbor suffered from chronic and all-pervasive angst – a problem in itself. She was also less-than-bright. The combo must be hard on the principal. In no time flat it also demolishes anyone’s pretence to compassion and tolerance. Lord, she was so less-than-bright I felt like bonking her on the head, just to hear her resonate.

I did no such thing, of course, preferring to keep my distances, as much as possible. But there you have it: I committed the sin of intention, yes I did. I mention this because of the wording in the law.

A wording argued against by  François Sureau, a lawyer at the State Council and France’s Court of Cassation.   I was re-reading his defence against 3 dispositions in the laws relative to terrorism and the state of emergency, a defence published by Tallandier in 2017*. Ages ago, yes? Plus, you will tell me this judicious law no longer exists. True. It no longer exists because in October 2017, its dispositions were incorporated into the law reinforcing internal security and the fight against terrorism. This law provides the State with  “new legal means in common law allowing for the better prevention of the terrorist threat outside a period of emergency”. Needless to say, these “new means” quickly found applications largely beyond that of the control of terrorism.

The three dispositions? They treat of three fundamental elements of freedom: that of thought, of expression and of the freedom to come and go as one pleases. However, “the law on interior security provides the Prefect with the competence to establish protective boundaries modeled on the “protection or security zones” in a state of emergency”…”should there exist serious reasons to think that a person’s behavior constitutes a particularly serious threat…police may impose that this person not circulate outside a given geographical perimeter...”http://www.vie-publique.fr/focus/etat-urgence-loi-renforcant-securite-interieure-lutte-contre-terrorisme.html

Is this why, last Saturday, circulation of regional trains between Toulouse and outlying towns was suddenly interrupted with no prior notice, then reappeared just as suddenly   with no explanation after the demonstrations were over?  Might the Prefect been angsting over the possibility that some individuals might want to use the train in order to reach the demonstrations and commit criminal acts there? Am I being paranoid? Of course, but what with the return of the sin of intention under the guise of potential criminal action…  Whereas legal doctrine rests on the presumption of innocence, these dispositions introduce the presumption of  criminal intent.  This means, in fact, that a gendarme searching someone’s bag and who finds some physiological serum in it can proceed to confiscate it and even, to take the person into custody. Eh. Physiological serum = probable intention of participating in a demonstration in the thick of the drifts of tear gas in order not to express an opinion but to behave in a criminal way, no? Come on, hop on it, off to the station you go.

So, a second confession is in order: in my bag, I always carry some…some…physiological serum. There, I’ve said it. Because I hold myself ready to partake in a demonstration at all times and in all places with the intent of committing criminal acts? No, because I’m sensitive to various untimely allergies that make my eyes seriously itchy.

Seriously indeed.  “As de Tocqueville said It is not by removing from the citizen’s brain the trouble of thinking that one can hope to triumph over those who, precisely, do not wish us to think.”**   How can you take a government seriously, when it doesn’t behave accordingly? An itch-inducing question deserving vast outpourings of physiological serum.

Meanwhile, seeing that I am intrinsically of a criminal bent,  I’m still wondering if bonking my neighbor on the head would have produced a sound in a major or a minor key. Considering her existential angsting, in minor, for sure.

*&**François Sureau, Pour la liberté – répondre au terrorisme sans perdre raison, Tallandier essais, editions Tallandier 2017

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As for “preventive arrests”, see (in French) “Les arrestations préventives ou la fin du droit de manifester”

 

 

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