Le coefficient de Jenny/Jenny’s Coefficient

Le coefficient de Jenny –

Dans les mails ce matin, le suivant reçu de Turquie: “Deux chattes recherchent un habitat pour un an. Leur mère écrivaine/journaliste  part en prison, elle couvrira leurs dépenses par avance.”

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Pendant ce temps:

Ah, professeur, si vous le dites… “Il ne faut pas être obsédé par les 1% les plus riches. Le plus important, c’est que l’écart de revenu entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres – ou le coefficient de Gini – n’augmente pas.”Ce qu’il faut combattre ” ce sont les mauvaises sources de “top 1%”: à savoir les rentes de situation, la spéculation inutile, le lobbying qui permet aux plus riches de pervertir le système pour défendre leurs intérêts, de se maintenir en haut de la pyramide et d’empêcher d’autres de s’y hisser.”

Comme ce constat décrit magnifiquement le système actuel,  le professeur Philippe Aghion du Collège de France, nous invite à la fois à le  combattre (les mauvaises sources) et à le défendre (l’innovation, clé de la croissance éternelle)  puisque, à la grande lotterie s’il n’y a pas de triche, vous aussi pourriez accéder au top 1%. C’est-y pas le rêve, ça?

Seul détail qui fâche: le système repose sur la triche, justement et je lui souhaite bonne chance, s’il croit vraiment pouvoir “éviter les phénomènes d’exclusion ver le haut comme vers le bas”.

(C’était dans l’Obs du 1erau 7 octobre 2015; celui où il était question de l’ex-photographe de l’armée syrienne et des quelques 40 000 photos de syriens torturés et tués qu’il avait réussi à exfiltrer, dans l’espoir que les gouvernements cessent de soutenir le régime syrien. 2015. L’année 2018 s’achève. Les exactions se poursuivent, les morts s’accumulent.

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Parlons un peu du coefficient de Jenny. Jenny (je l’appelle ainsi, elle ne tient pas à la célébrité) est serveuse. Elle sert surtout des hamburgers/frites et, parfois, des croque-monsieur. Elle n’aspire aucunement à rejoindre les 10% du professeur Aghion, alors pour ce qui en est du 1%, je vous laisse deviner ce qu’elle en pense.

Evidemment, on ne peut pas reprocher à un professeur d’économie libérale de prêcher pour sa paroisse ni de considérer cette même économie comme la base de notre structure sociale – ce qu’elle est, indubitablement. De là à la considérer comme vérité révélée et irremplaçable, le pas est vite franchi…surtout si vous profitez de ses avantages.

Dans pareil contexte,  peut vous en chaut du coefficient de Jenny. Serveuse, elle élève seule son fils présentement âgé de 3 ans. Le père alterne entre absences prolongées et présences envahissantes. Dans les deux cas, le versement de la pension alimentaire ne fait pas partie de ses priorités. Il préfère offrir des cadeaux extravagants à son fils, à l’occasion, plutôt que de verser des sous à “cette connasse”, c’est-à-dire la mère de son fils.

Jenny n’aspire pas au 1%, ni même au 10%.   Jenny aspire à une vie correcte. A un logement décent. A un peu de bien-être. Elle n’aime pas trop se prendre la tête. Les syndicats, les partis politiques, les grands discours, ça ne lui dit rien.

Ce qu’elle aime vraiment? Dormir. Retrouver ses rêves au creux de la nuit. Pourquoi? Parce qu’il s’y passe des trucs rigolos. Parfois, elle rit en dormant et ça la réveille. Elle s’empresse de se rendormir, comme une voyageuse courant après le train.

Jenny aime rire et la nuit, elle le peut. Le rire, c’est son coefficient à elle. Celui de Gini, elle s’en fout complètement.

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Macron parle comme s’il s’était vu assigné une classe d’élèves particulièrement bornés auxquels il doit constamment “expliquer” ses décisions. C’est pourquoi mon affiche préférée dans les manifestations du weekend était écrite à la main et tenue par une jeune femme. Elle se lisait: “Assez de “pédagogie”. Nous avons compris et nous ne sommes pas d’accord.”

Mais…quand le prof se considère imbu de mission et croit qu’il lui suffit de “maintenir le cap” pour démontrer qu’il a raison, on ne se dirige pas vers des embellies (ni vers une levée des nuages de lacrymos non plus).

Jenny’s Coefficient –

In this morning’s emails, this one received from Turkey: “Two female cats are looking for a house for one year. Their writer/journalist mother, who’s going to jail, will cover the expenses in advance.”

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Meanwhile: Ah, professor, if you say so…  “We mustn’t be obsessed by the 1% of the richest. The main thing is that the difference between the  10% of the richest and the 10% of the poorest – the Gini coefficient – does not increase.”What we must fight against:” the bad sources of the ‘top 1%’ meaning annuities, useless speculation, lobbying which allows the richest to pervert the system in order to defend their interests, and maintain their position at the top of the pyramid while keeping others from reaching it.” 

As this observation magnificently describes the present system, professor  Philippe Aghion from the Collège de France invites us both to fight against (the bad sources) and defend (innovation, the key to eternal growth) since, in this great lottery, if there’s no cheating, you too could reach the top 1%. Isn’t that dreamy?

Only annoying detail: the system rests on cheating, precisely, and I wish him good luck if he really thinks he can “avoid social exclusion toward the top and toward the bottom”. 

(This was in L’Obs dated 1stto 7th October 2015; the same issue in which there was talk of the ex-photographer from the Syrian army and of the some of the 40 000 photos of tortured and murdered Syrians he had managed to exfiltrate, hoping that governments would cease supporting the Syrian regime.   2015. The year  2018  is coming to an end. The exactions continue, the dead pile up.

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Let’s talk a bit about Jenny’s coefficient. Jenny (not her real name, she doesn’t aspire to celebrity) is a waitress. She mainly serves hamburgers with fries and occasionally, the grilled cheese and ham sandwich known as a croque-monsieur. She has no aspirations to join Professor Aghion’s  10%  so, as pertains to the 1%, I’ll let you guess what she thinks about it.

Of course, you can’t blame a professor of liberal economy for preaching for his parish or for considering this economic model as the basis for the existing social structure – which it is, undoutebdly. To then consider it Revealed and Irreplaceable Truth is quickly arrived at…especially if you benefit from it.

In such a context, you don’t give a fig about Jenny’s coefficient. She’s a waitress, raising her 3 year old son on her own. The father alternates between prolonged absences and invasive presences. In both cases, paying child allowance isn’t one of his priorities. He prefers offering his son extravagant gifts on occasion, rather than handing over money to that “cunt”, i.e. the mother of his son.

Jenny does not aspire to the 1%, not even to the 10%. Jenny aspires to a decent life. A decent appartment. A bit of comfort. She doesn’t like to think too much. Unions, political parties, speeches, she doesn’t care for.

What she reallylikes? Sleeping. Going into her dreams in the deepest corners of the  night. Why? Because Funny things happen there. Sometimes, she laughs in her sleep and this wakes her up. She hurries  back to sleep again, like a traveller running after the train.

Jenny likes to laugh and at night-time, she can. Laughter is her coefficient. Gini’s she couldn’t care less about.

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Since Macron talks as if he’d been assigned a class of particularly dense students to whom he must constantly “explain” his decisions, my favorite placard at the weekend demonstrations was a hand-written sign held up by a young woman. It read: “Enough “pedagogy”. We understand and we disagree.”  

 But…when the prof considers he’s invested with a mission and believes all he needs to do is “stay the course” to show he’s right, things aren’t moving toward breaks in the cloud cover (or in the clouds of tear gas either).

 

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