Innocence –

Le tigre était de retour dans mon rêve la nuit dernière. D’abord, on aurait dit un gros chien décharné. Puis, je réalisais qu’il s’agissait d’un tigre (bien qu’il ait eu davantage l’apparence d’un lion). Alors j’entrais  et j’essayais de me barricader mais les verrous n’entraient pas dans les ferrures.

Puis, le tigre était à l’intérieur. Il n’était plus décharné. En fait, il était splendide dans sa férocité. Il rodait dans l’escalier. A nouveau, je tentais de lui bloquer l’accès, à la pièce cette fois.  Encore une fois, les portes à double battants ne fermaient pas complètement.

Je me suis éveillée, les deux mains paralysées. La gauche me semble encore étrangère.

Non, ma vie ne s’est pas déroulée – et ne se déroule toujours pas – comme j’aurais “aimé”. J’en ressens une sorte de désarroi. Non, ça n’est pas le bon mot. Davantage quelque chose comme une confusion devant les divergences entre la vie telle qu’on l’imagine, telle qu’on a l’intention de la vivre, telle qu’on la vit et telle qu’elle est vue et jugée par les autres.

Debout sur le vieux pont de pierre hier. Deux canards, culs en l’air, fouillent sous la berge. Un rat d’eau nage dans leur direction, son sillage traçant un V qui va en s’élargissant.

Une sorte d’innocence fondamentale sur la scène, y compris sur l’observateur. Pareil à l’observateur dans un rêve.

Une équation tellement compliquée de morceaux d’innocence se chevauchant.

Pendant que certains se comportent comme les derniers dinosaures

Prenant

Prenant

Prenant

Détruisant le paysage

Tuant pour prendre tout ce qu’ils veulent

Et tout ce qu’ils ne veulent pas aussi

Le tigre était de retour dans mon rêve la nuit dernière.

Le tigre de Moira Duffy **, réduit à une ombre affamée?

Puis le rodeur lustré et magnifique. Innocent? Oui, à sa manière de tigre.

Une équation tellement compliquée.

* L’observateur est peut-être le “personnage” principal dans un rêve? Qui sait.

** Moira Duffy est l’un de mes personnages. Elle écrit une histoire dans laquelle il y a un tigre réduit à ses seules rayures.

Innocence –

The tiger was back in my dream last night. At first looking like a big and mangy dog. Then I realized it was a tiger (although it had more of the shape of a lion.) So I went inside and tried to lock the door, but the bolts didn’t fit the locks.

Next, the tiger was inside. No longer mangy. Splendid really in his fierce way. Prowling in the stairs. Again, I attempted to shut him out, of a room this time. Again the double doors wouldn’t shut and lock properly.

I woke up, both hands paralyzed. The left one still feels like a stranger.

No, my life has not played out – and still doesn’t – as I would have “liked.” I experience a kind of permanent dismay. No, not the right word. Befuddlement is more like it. At the discrepancies between life as imagined, intended, lived, then as seen and judged by others.

Standing on the old stone bridge yesterday. Two ducks were bottoms-up under an overhang, fishing up something. A water rat swam across on a diagonal in their general direction, leaving a v-shaped widening wake. A kind of basic innocence in the scene, including in the observer. Same as in the observer in a dream*.

Such a complicated equation of overlapping pieces of innocence.

While some behave the way the last dinosaurs did

Taking

Taking

Taking

Tearing up the scenery

Killing so they can take everything they want

And even what they don’t want

The tiger was back in my dream last night.

Moira Duffy’s **tiger reduced to a starving shadow?

Then the sleek and magnificent one, on the prowl. Innocent? Yes, in his tigerish way.

Such a complicated equation.

*Perhaps the observer is the most important “character” in a dream? Who knows.

**Moira Duffy is one of my characters. She writes a story in which the tiger is reduced to its stripes.