Photos d’un lundi/Photos from a Monday

DSCN3171

Photos d’un lundi –

Depuis que je l’ai aperçue dans une revue, celle-ci m’obsède. Des corps gazés ou déchiquetés par des bombes? Pas du tout.  Sur une terrasse du palais présidentiel français, cinq hommes prennent la pose pour la photographe. Une pose décontractée, entendez, pas l’air guindé d’une réunion à Davos. Non, non. Sur la table: un bouquet de fleurs, quelques délicates tasse à café en porcelaine. Pas de miettes cependant. Elles feraient désordre.

Donc, le “look relax”, les copains. Celui de la fine fleur d’une équipe soudée par l’intelligence, la convivialité et la fréquentation du même costumier. Complets bien coupés bleu sombre, chemises blanches, cravates unies (les motifs sont d’un vulgaire…et sujet à interprétation, non, restons sobres.)

C’était il y a un peu plus d’un an. Celui qui se déclarait lié par une relation fusionelle et quasi-filiale avec le jeune président a quitté le cercle doré de la convivialité récemment. La photo demeure de cette mise en scène banale dans son obscénité de cinq hommes  “de pouvoir” imbus de leur personne – cinq hommes parmi tant d’autres portant leur ambition personnelle comme un badge d’honneur. L’important, c’est la réussite, individuelle, pas vrai?

(Dans l’article accompagnant cette photo, le jeune président parle d’un “nouvel humanisme à découvrir” et d’une clé à trouver pour que les exclus puissent “entrer dans le monde du travail”. La clé? Le bon carnet d’adresses, y compris celle du costumier fournissant les uniformes de premiers de classes comparant leurs premier prix en diligence,  travail acharné et en répétitions des formules éculées mises au goût du jour.)

*

Samedi soir vers 21h, on frappe à ma porte. J’ouvre: un vieil homme en djellaba appuyé sur une cane. “Oh, ma sœur, excuse-moi, je suis pas chez l’Arabe? C’est à côté?” – “Oui, il faut traverser la rue, je crois.” – “Oh ma sœur, tu m’excuses, tu n’oublies pas la prière,” dit-il et s’en va.

En lieu et place de prière, je commence la lecture du Patient anglais. Je lis et je relis le passage nommant et décrivant les différents vents qui se lèvent en Afrique, ceux qui tourbillonnent, ceux qui se dressent en colonne, ceux qui vous enveloppent dans un drap suffocant. De tous ceux-là, je n’aurai connu que le khamsim qui avait transporté des millions (des milliards ?) d’insectes sur des milliers de kilomètres avant de les déverser sur Tel Aviv un jour.  Leur vue sur toutes les rues, sur tous les trottoirs donnait une autre signification à l’une des dix plaies d’Egypte décrites dans la bible.

De cette époque me reste des photos mentales intenses et une pile de papier jaunissant, détaillant ces trois années où je me suis sentie déposée au troisième paragraphe d’un article écrit pour le Times Magazine concernant les militaires américains et leurs alliés. La seule différence avec ce que j’observe dorénavant: les discours publics de ces messieurs s’alignent davantage sur leurs discours privés. Plus question de faire semblant qu’il s’agit de paix mondial et de bienfaits pour les peuples. On n’est pas sur une terrasse de l’Elysée à se faire immortaliser pour un article de fond sur le “nouvel humanisme.”

*

De toute évidence, le chat gris du voisin considère cet espace comme faisant partie de son terrain de jeu personnel. Pas de problème, tant qu’il (elle?) ne tente pas de s’installer sur mes genoux, provoquant d’interminables accès d’éternuements, ni de se lover dans les bacs à fleurs, au détriment des plantes qui s’y trouvent déjà. Lesquelles, contrairement aux œufs, n’ont pas besoin d’être couvées. D’ailleurs, chat, répète après moi: Je ne suis pas une poule. Je suis de la noble descendance de prédateurs carnassiers féroces et je ne pratique pas le végétarianisme…oupse, enfin, très peu et de façon tout à fait occasionnelle.

 

Photos  from a Monday-

Ever since I saw it in a magazine, I’m obsessed by this one. One of gassed bodies or of others wrenched apart by bombs? Not at all. On a terrace of the French presidential palace, five men pose for a photographer. A relaxed look, you understand, not the staged one of a meeting in Davos. No no. On the table: some flowers, delicate porcelain coffee cups. No crumbs however. They would look messy.

So, the relaxed look, guys. Here we are, colleagues welded together by intelligence, conviviality and the use of the same suit-maker. Dark blue suits, white shirts, solid-toned ties (patterns are vulgar, besides, they’re subject to interpretation, no, let’s keep this simple).

The photo was done a bit over a year ago. The one who was then declaring himself linked to the president in a fusional, quasi-filial relationship has since left the golden circle of conviviality. The photo remains of this dreary and obscene stage set of five men among so many others wearing their personal ambition like a badge of honor.  Individual success, that’s what matters, n’est-ce pas?

(In the article, the young president speaks of “discovering a new humanism” and providing the excluded ones with “the key to entering the labor market.” The key: the right adress book, including that of the suit-maker who will provide you with the top-of-the-class look of a gathering comparing their first prizes for diligence, hard work and the recycling of old formulas into the latest buzz words.)

*

On Saturday night around 9 PM, there’s a knock at my door. I open to an old man wearing a djellaba and resting on his cane. “Oh, sister, excuse me, I’m not at the Arab’s house? It’s next door?” – “Yes, I think you have to cross the street.” – “Oh sister, excuse me, don’t forget the prayer,” he says and leaves.

Instead of the prayer, I start reading The English Patient. Read over and over again the section naming and describing the various winds that rise in Africa, the ones that whirl, the ones that rise in a column, the ones that wrap you in a suffocating sheet. Of these I have nothing but a vivid recall of the khamsim that carried millions (billions?) of insects over thousands of kilometers before dropping them on Tel Aviv one day. Their sight on every street and every sidewalk provided another understanding of one the the ten plagues of Egypt described in the Bible.

Vivid mental images and a pile of yellowing sheets of paper remain, detailing those three years when I felt I had landed in the third paragraph of a made-for-Time-magazine story about the American military and its allies. The only difference I notice between then and now: the leaders’ public discourses closely align with their private ones. No more pretending war machines are all about world peace and the good of the peoples. After all, we’re not on a terrace at the Elysée, being immortalized for an article in depth on the “new humanism”.

*

Clearly, the neighbor’s grey cat considers this space part of his (her?) personal playground. I don’t mind as long as he (she) doesn’t try to settle down on my lap and set off endless bouts of sneezing and doesn’t occupy my flower boxes, much to the distress of the plants therein. Contrary to eggs, they don’t hatch that way.  Besides, cat, repeat after me: I am not a  hen.  I am the noble descendant of fierce carnivorous predators. I do not practice vegetarianism…oops, not often that is, and in the most occasional of ways.

 

 

 

Leave a comment