Anonyme/Anonymous

Anonyme –

Je sais : l’actualité grésille et croustille sous son lot d’horreurs. Consultez les actualités alors, s’il le faut, j’ai l’intention de parler de choses non spectaculaires ce matin.

Hier, j’ai croisé un jeune homme – aussi anonyme que les autres dans son jogging et son gilet à capuche. Il se dirigeait vers moi. A deux reprises, il s’est penché pour ramasser un déchet  pour en disposer dans une benne à ordures. Je ne crois pas que d’autres personnes aient remarqué son comportement. De plus, une fois qu’il n’y est plus, qui peut même s’apercevoir qu’il y avait deux ordures sur un trottoir défoncé qui constitue un risque et une laideur en lui-même ?

Il y a plein de gestes qui font passer la vie d’insoutenable, à endurable ou même, agréable, et  qui ont cette même qualité d’invisibilité. On remarque ce qui dérange.  En son absence, l’esprit part à la recherche d’un autre motif de mécontentement. Les sujets ne manquent pas. Se présentent alors trois option: ignorer; râler; chercher une solution.

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Hier soir, en triant mes papiers, je tombe sur des pages et des pages d’écriture consacrée au sentiment d’impuissance que génère la dépression. Je me suis imposée la lecture de l’un de ces vieux cahiers, avant d’en disposer.

Il s’agissait d’années d’inaction, en apparence. En fait, de grands pans de vie sont tout sauf spectaculaires. En rendre compte en fiction…sans plonger et l’écrivain et le lecteur  dans un état quasi-comateux… Après lecture d’une année complète de rapports quotidiens depuis le pays de la déprime, je dirais: un peu suffit largement. C’est un des sérieux avantages de la fiction par rapport  à la réalité.

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Illustration: la salle de répétition du cirque, avant l’arrivée des enfants pour leurs cours du mercredi après-midi. Hier, l’un des exercices comportait des tandems sur un trapèze. Sous les conseils de leur instructeur,  un des enfants devait se hisser en position debout sur les épaules de l’autre. Pendant que les autres enfants attendaient leur tour, et applaudissaient. C’est une petite école de cirque avec des formateurs avérés. Le local: une mégisserie abandonnée qui a trouvé une nouvelle vocation . Les enfants s’y régalent et y apprennent les gestes appropriés menant à un sentiment de compétence.

Anonymous –

I know: the news fairly sizzle and pop under their load of horrors, so consult the news if you must, I intend to talk of unspectacular things this morning.

Yesterday I came across a young man – as anonymous as all the others in his training pants and hoodie. He was walking in my direction. Twice, he bent down to pick up a piece of litter, then he disposed of both in a trash can. I don’t think anyone else noticed his behavior and, once it was gone, who was to know there had been two eyesores on the busted sidewalk which is an eyesore and a hazard in itself?

There are lots of small moves that make life go from unbearable to bearable or even, pleasant, and that share that same quality of invisibility. You notice what grates. Who’s to know if someone removed the irritant? Instead, the mind goes in search of another reason for its discontent. There are plenty to choose from at which point three options appear: to ignore; to kvetch; to seek a solution.

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Sorting through personal papers last night, I came across pages and pages of writing devoted to the feeling of powerlessness generated by depression. I made myself read through one of those notebooks before throwing it out.

Those were years spent in inaction, apparently. In fact, large swaths of living are anything but spectacular. Conveying this in fiction, without plunging the writer and the reader into a state close to coma… After reading through a year’s worth of daily reports from the land of despond, I’d say: a little bit goes a long way. This is one of the advantages fiction holds over reality.

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Illustration: the rehearsal hall at the circus, prior to the children’s arrival for their Wednesday afternoon classes. One of yesterday’s exercises involved tandems on a trapeze – under their instructor’s guidance, one child was to move from the sitting to the standing position on the other’s shoulders while the rest of the children waited their turn and applauded. It’s a small circus school with serious trainers. The venue: an abandoned tannery building given a new lease on life. The kids have a ball here and learn the right moves that yield a sense of competence.

 

 

 

 

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