
Les neiges d’antan –
J’avais cinq ans. Ça devait être le début du printemps. Une pluie verglaçante était tombée, recouvrant la neige d’une croute craquante sous laquelle j’avais creusé une petite caverne dans laquelle j’avais placé de minuscules figurines en neige avec leur histoire chuchotée. Puis j’avais effacé toute trace de cette présence, convaincue qu’à la fonte des neiges, les personnages et leur histoire disparaîtraient dans le sol et que le tout reviendrait sous forme d’herbe, de fleurs ou de gravier. Je trouvais cette idée géniale.
J’ai maintenant soixante-douze ans et l’impression que, géniale ou non, mon écriture est au même niveau – et remplit la même fonction.Alors il ne faudrait pas croire que tout ça présente le moindre intérêt pour les agents littéraires. Ils font leur beurre sur les ventes, pas sur l’éventuelle floraison d’un pissenlit.
Je m’en désole? Parfois, mais pas vraiment. La “vie littéraire” – c’est-à-dire tout ce qui entoure l’écriture comme telle – ne me semble pas particulièrement attrayante. Du moins, ce que j’en lis dans les revues que je feuillette dans les salles d’attente des cabinets médicaux. La perspective doit être différente lorsqu’on fait partie du club – mais je ne suis pas du genre très “club” quel qu’il soit.
The snows of yesteryear –
I was five years old. It must have been early spring. A freezing rain had fallen, covering the snow with a hard crust under which I had dug a small cavern in which I had placed small snow figures and their whispered story. I had then erased all traces of their presence, convinced that when the snows melted, the figures and their story would disappear into the ground and come back as grass, flowers or gravel. I thought this was a great idea.
I am now seventy-two years old. I get the feeling that, whether great or not, my writing is at this same level – and fulfills the same function. So don’t go thinking literary agents find the slightest interest in it. They make a living on sales, not on the potential flowering of a dandelion.
Does this leave me heartbroken? Sometimes, but not really. “Literary life” – that is everything surrounding writing itself – doesn’t strike me as particularly appealing. At least, what I read of it when I pick up magazines in doctors’ waiting rooms. I guess the view is different from inside the club – but I’m not much of a club-type person, no matter which one.