
Pérégrinations –
D’ici vingt-neuf jours, je serai sans domicile fixe pour plusieurs mois. Une SDF de luxe puisque, entre les séjours à l’hôpital et en service de ré-éducation, je serai hébergée par des gens que j’aime et qui me le rendent bien. Il n’empêche qu’il y a quelque chose de curieux dans ce motif récurrent qui me voit réduire mes “objets utiles” comme je l’avais fait lors de mon départ en pérégrinations, il y a maintenant quarante ans de cela.
Je n’ai guère ma place dans le grand mouvement des déracinés de force – qu’ils s’identifient en tant que syriens, kurdes, yéménites, éthiopiens, soudanais, afghans, rohingyas, roms, palestiniens ou autres – si ce n’est une certaine compréhension de ce que ça veut dire de quitter le connu pour entrer dans l’incertain, encore et encore.
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Je n’aurai pas grand temps pour les songeries sur Facebook ou ailleurs dans les prochaines semaines. Ces mots sont tirés du livre Burning Country – Syrians in Revolution and War, Robin Yassin-Kassab et Leila Al-Shami. Je les trouve pertinents à une échelle encore plus vaste – surtout si l’on n’oublie pas que le vocable de “syriens” recouvrent bien des identités…et encore plus de destins individuels:
“Ces syriens dont les vies furent transformés, qui trouvèrent la force de dire non, de briser le silence – ces gens diraient que oui, ils ont certainement vécu une révolution. On pourrait alors se demander: ont-ils eu tort de se révolter? Se sont-ils trompés? Mais si nous posons cette question, nous serons passés à côté du point de départ – les gens se révoltent quand ils ne peuvent plus respirer. Les systèmes échouent lorsqu’ils étouffent le peuple, et s’étouffent eux-mêmes. Les syriens n’ont pas voté en conférence la décision de se révolter. Ce qui s’est produit, c’est que le système s’est effondré, impuissant à contenir ses contradictions.
Les États “développés” ou “avancés” où le pouvoir est diffus et contesté au sein de divers centres – la grande industrie, la monarchie, le parlement, les partis politiques, les médias – sont infiniment plus difficile à faire tomber. Mais il est infiniment plus facile d’y travailler de l’intérieur – quiconque en doute devrait examiner ses propres privilèges. Ici, il existe des possibilités, bien que certaines d’entre elles doivent être saisies à ses propres risques. Ici, s’ils le voulaient, les gens des quartiers urbains et des zones rurales pourraient travailler à produire des alternatives au système dominant. Ils pourraient expérimenter différentes façons de vivre et de s’organiser au-delà des cadres proprosés par les états et les grandes sociétés. La création d’alternatives applicables serait des millions de fois plus utiles aux révolutionnaires ailleurs que des critiques théoriques mal informées. Et peut-être que les gens ici pourraient apprendre de ceux qui ont été suffisamment maudits, ou suffisamment bénis, pour faire l’expérience de l’effondrement d’un système, ceux que la nécessité a jeté sur la voie de la construction de quelque chose de nouveau.”
Peregrinations –
Twenty-nine days from now, I will be without a fixed address for several months. A deluxe “homeless one” since, between hospital stays and the re-education program, I will be sheltered by people I love and who love me in return. Still, there’s something curious in this recurring motif that finds me reducing my “useful objects” as I did when I left for my peregrinations for the first time, some forty years ago.
I don’t have my place in the vast movement of forced uprooted ones – whether they identify as Syrians, Kurds, Yemenites, Ethiopians, Sudanese, Afghans, Rohingyas, Roms, Palestinians, or other – other than a certain understanding of what it means to leave the known and enter into the uncertain, over and over again.
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I won’t have much time for musings on Facebook or elsewhere in the coming weeks. These words appear in Burning Country – Syrian in Revolution and War, Robin Yassin-Kassab and Leila Al-Shami. I find them relevant on an even wider scale – especially if one remembers that the word Syrian encompasses many identities, and an even greater number of individual destinies:
“Those Syrians whose lives were transformed, who found the strength to say no, to break the silence – these people would say yes, they’ve certainly lived a revolution. We could ask then: were they wrong to revolt? Did they make a mistake? But if we ask that, we’re missing the original point – that people revolt when they cannot breathe. Systems fail when they finally smother the people. Otherwise put, when they smother the people, they smother themselves. Syrians did not vote in conference on the decision to revolt. What happened was that a system collapsed, unable to contain its contradictions.
‘Developed’ or ‘advanced’ states in which power is diffuse and contested between centers – big business, the monarchy, the parliament, the political parties, the media – are infinitely harder to take down. But it’s infinitely easier to work within them – anyone who thinks otherwise should examine their own privilege. Here there are opportunities, though ones which must sometimes be grasped at in peril. Here, if people wanted, in city neighborhoods and in rural zones, they could work to produce potential alternatives to the dominant system. They could experiment with different ways of living and organizing beyond the frameworks offered by states and corporations. Creating workable alternatives could be a million times more useful for revolutionaries elsewhere than misinformed theoretical hectoring. And perhaps people here could learn from those cursed enough, or sufficiently blessed, to have experienced the collapse of a system, those who have been thrown by necessity into the business of building something new.”