Illuminations

Illuminations –

À la recherche de papier journal pour poursuivre l’emballage d’articles de cuisines que je ne reverrai pas avant plusieurs mois, je tombe sur une page du New York Review of Books de juin 2011. Je l’avais découpée pour une traduction de Après le déluge, tirée des Illuminations d’Arthur Rimbaud. Et comme j’aime bien les mots qui peuvent servir et en français et en anglais…

 Après le Déluge

     Aussitôt que l’idée du Déluge se fut rassise,
    

Un lièvre s’arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à l’arc-en-ciel à travers la toile de l’araignée.
    

Oh ! les pierres précieuses qui se cachaient, − les fleurs qui regardaient déjà.
    

Dans la grande rue sale les étals se dressèrent, et l’on tira les barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures.
    

Le sang coula, chez Barbe-Bleue, − aux abattoirs, − dans les cirques, où le sceau de Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent.
    

Les castors bâtirent. Les “mazagrans” fumèrent dans les

estaminets.
    

Dans la grande maison de vitres encore ruisselante les enfants

en deuil regardèrent les merveilleuses images.
    

Une porte claqua, et sur la place du hameau, l’enfant tourna ses bras, compris des girouettes et des coqs des clochers de partout, sous l’éclatante giboulée.
    

Madame*** établit un piano dans les Alpes. La messe et les premières communions se célébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale.
    

Les caravanes partirent. Et le Splendide-Hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle.
    

Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym,  − et les églogues en sabots grognant dans le verger. Puis, dans la futaie violette, bourgeonnante, Eucharis me dit que c’était le printemps.
    

-Sourds, étang, − Écume, roule sur le pont, et par dessus les bois; − draps noirs et orgues, − éclairs et tonnerres − montez et roulez; − Eaux et tristesses, montez et relevez les Déluges.
    

Car depuis qu’ils se sont dissipés, − oh les pierres précieuses s’enfouissant, et les fleurs ouvertes ! − c’est un ennui ! et la Reine, la Sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu’elle sait, et que nous ignorons.

Arthur Rimbaud, Illuminations

*

J’ai reçu le 2e tome de Masculin/Féminin de Françoise Héritier, qui porte le sous-titre de Dissoudre la hiérarchie. J’aime bien cette notion de dissolution de rapports figés. Elle me semble juste. Hâte de le lire.*

*Françoise Héritier, Masculin/Féminin II, Odile Jacob poches, 2012

(L’illustration ? Aucun rapport. C’est une grille d’entrée fabriquée par Anna Mano à partir de chutes de métal.)

*

Illuminations –

Searching for newspaper in which to wrap kitchenware I won’t be seeing again for several months, I come across a page of The New York Review of Books dated June 2011. I had cut it out for a translation of Arthur Rimbaud’s After the Flood, from his Illuminations. And, as I enjoy words that serve as well in French as in English…

 After the Flood

     No sooner had the notion of the Flood regained its composure,

Than a hare paused amid the gorse and trembling

bellflowers and said its prayer to the rainbow through the spider’s web.

Oh the precious stones that were hiding, – the flowers that were already peeking out.

Stalls were erected in the dirty main street, and boats were towed toward the sea, which rose in layers above as in old engravings.

Blood flowed in Bluebeard’s house, – in the slaughterhouses – in the amphitheaters, where God’s seal turned the windows livid. Blood and milk flowed.

The beavers built. Tumblers of coffee steamed in the public houses.

In the vast, still-streaming house of windows, children in mourning looked at marvelous pictures.

A door slammed, and on the village square, the child waved his arms, understood by vanes and weathercocks everywhere, in the dazzling shower.

Madame xxx established a piano in the Alps. Mass and first communions were celebrated at the cathedral’s hundred thousand altars.

The caravans left. And the Splendide Hotel was built amid the tangled heap of ice floes and the polar night.

Since then the Moon has heard jackals cheeping in thyme deserts, – and eclogues in wooden shoes grumbling in the orchard. Then, in the budding purple forest, Eucharis told me that spring had come.

-Well up, ponds, – Foam, roll on the bridge and above the woods; – black cloths and organs, – lightning and thunder, – rise and roll; – Waters and sorrows, rise and revive the Floods.

For since they subsided, – oh the precious stones shoveled under, and the full-blown flowers! – so boring! and the Queen, the Witch who lights her coals in the clay pot, will never want to tell us what she knows, and which we do not know.

From Arthur Rimbaud’s Illuminations; translated by John Ashbery

*

I received the second tome of Françoise Héritier’s  Masculin/Féminin, subtitled Dissolving the hierarchy. I like this notion of dissolution of rigid relationships. It strikes me as appropriate. Looking forward to reading it.*

*Françoise Héritier, Masculin/Féminin II, Odile Jacob poches, 2012

(The illustration ? Has nothing to do with the text. It’s an entrance gate made by   Anna Mano from metal trimmings.)

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