Gestation

Gestation –

La question centrale aux États généraux  des migrations qui réunissaient  des associations, des collectifs et des citoyens du Tarn hier à Graulhet: comment sensibiliser, mobiliser et agir dans un climat où, trop souvent, les  indignations impuissantes donnent la réplique au repli sur soi et au désengagement dans  une pseudo-sécurité  de type: “Ce qui se passe dans le monde est tout simplement horrible. Toutes ces histoires terribles… Et non, je ne suis pas d’accord avec la politique du gouvernement sur l’immigration. Après tout, ce sont des humains dont on parle. Pensez-vous que ça me fait plaisir de voir ces tentes démolies, ces enfants qui vivent dans la rue, ces gens qui dorment dans le froid et  dans la boue, ici, en France? Bien sûr que non, mais…vous voyez ce qui arrive à ceux qui protestent? Ils se font poursuivre en justice. Alors, hein? J’ai ma famille, un petit budget, des soucis de santé…Aller affronter l’État, en plus? Merci quand même. Et puis, la nature humaine, vous savez…”

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Et bien, justement, la nature humaine. Parlons-en. De ses hauts, de ses bas, et de tout ce qui se trouve entre les deux. Je n’entends pas souvent des gens se plaindre des hauts; les terrains plats, la plupart s’en accommode. Alors, regardons un peu du côté des bas.

Plongée dans la série d’articles intitulée “La violence et ses masques” sur le blog SUSAM-SOKAK de l’historien Etienne Copeaux (sous-titré: la Turquie – les racines du présent), je reviens, encore et encore sur le troisième article de la série, consacré à une lecture d’Alexandre Mitscherlich, médecin et psychanalyste allemand qui a postulé l’existence dans la société d’une « tonalité de fond » qui se manifeste subtilement en temps de paix, pour éclater en temps de guerre : « La psychopathologie quotidienne recèle les germes mêmes de ce qui peut engendrer des troubles collectifs d’ampleur diverse mais qui demeurent immanquablement tous chargés d’agressivité ». Nul besoin de regarder très loin pour en faire le constat. L’aspect “contagieux” des émotions s’observe quotidiennement, et pour le meilleur et pour le pire.  La question fondamentale étant toujours la même:  par qui, comment et à quelles fins cette charge émotive – et plus particulièrement, l’agressivité –  est-elle canalisée?

Ce que Mitscherlich décrit comme les “rêves éveillés” par lesquels les leaders politiques (ou autres personages bénéficiant d’une “charge” émotive importante) jouent sur les espoirs, les désirs, les peurs, les aspirations, leur donnant la forme de buts désirables et d’objectifs réalisables.   En substance, pas si différents des rêveries quotidiennes qui ponctuent la vie de tous et de chacun – sauf pour leur charge potentielle en fonction des moyens d’expression mis à leur disposition.

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D’où l’importance, l’utilité et la nécessité vitale de rencontres comme celle d’hier à Graulhet et ailleurs pour examiner les autres “possibles” que ceux qu’on tente de nous imposer par des matraquages parfois subtiles…ou par des pilonnages qui ne le sont pas du tout.

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Pour ce qui est de la rencontre de Graulhet réunissant des participants de la commune,  de Lavaur, d’Albi, de Castres, de Mazamet, de Montans et d’autres que j’oublie sans doute,  merci à ceux et celles qui ont organisé la journée…et double merci à celles qui ont pris la responsabilité des synthèses des propositions émanant des 4 ateliers.

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Et maintenant: retour à la musique et à des  “rêves éveillés” personnels, que certains appellent “écriture”.

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Gestation

The central question at yesterday’s general assembly on migrations in Graulhet where associations, collectives and individual citizens gathered : how to raise awareness, mobilize and act in a climate where, only too often, impotent indignation responds to cocooning into the pseudo-safety of uninvolvement of the kind that says: “What’s happening in the world is just horrible. All those terrible stories… And no, I don’t agree with the government’s policy on immigration. After all, those are human beings we’re talking about. Do you think I enjoy seeing those demolished tents, children living in the streets,  people sleeping in the cold and in the mud, here, in France? Of course not but…you see what happens to those who protest? They end up in court. So, huh? I have my family, a tight budget, health problems…I should go confront the State, on top of everything else? Thanks anyway. Besides, human nature, you know…”

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Precisely. Human nature. Let’s talk about it. The highs, the lows, and everything in between. I don’t often hear people complain about the highs;  most people make do with the flat areas; so let’s talk about the lows.

I’m deep in a series of articles titled “Violence and its masks” on historian Etienne Copeaux’ blog SUSAM-SOSAK* (subtitle Turkey – The roots of the present).  In  the third article of the series, he examines physician and psychoanalyst Alexander Mitscherlich’s notion of a “background tonality” which manifests more subtly in times of peace, only to explode in times of war. “Daily psychopathology“, he writes, “contains the very germs of what can engender collective troubles of varying amplitudes but which are invariably charged with aggressiveness.“No need to look very far to notice this. We observe the “contagious” aspect of emotions every day, for better and for worse.   The fundamental question always being the same: by whom, how and to what ends is the emotional charge – and more particularly, aggressiveness – canalized?

What Mitscherlich describes as the  “daydreams” by which political leaders (or other emotionally charged figures) play upon hopes, desires, fears, yearnings, shaping them into desirable ends and attainable goals. No different, in substance, from the individual daydreams that mark daytime pauses in anyone and everyone’s life – except for their potential charge, given available means of expression.

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Hence the importance, the utility and the vital necessity of meetings like the one held in Graulhet and elsewhere in order to examine other “possibles” than those some attempt to impose through sometimes subtle plugging … and by other overkills that aren’t subtle in the least.

As for the meeting in Graulhet with participants from the town, but also from Lavaur, Albi, Castres, Mazamet, Montans and others I’m forgetting no doubt, thanks to those who organized the day … and double thanks to the ones who took on the work of synthesizing the proposals from the 4 workshops.

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And now:  back to music and to those personal “daydreams” some call “writing”.

*  Etienne Copeaux’ blog is in French. Many English speakers also speak (or read) French. As for Alexander Mitscherlich, unfortunately, his only work translated from German to English appears to be Doctor of Infamy, the Story of Nazi Medical Crimes .Useful reading, no doubt, but I’m more interested in the ‘ordinary’ climate – the gestation periods, so to speak when people more or less consciously adjust their moods and attitudes to prevailing models.

 

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