
“Quasi una fantasia” –
Une sonate de Beethoven me tourne dans la tête. La #13? Je crois. “Quasi una fantasia.” Ni sa plus grande, ni sa plus connue. Je m’y raccroche pour le moment. Avant de rouvrir la poche de saletés, le tombereau d’horreurs qu’on appelle les “actualités”.
“A vrai dire, il ne faudrait pas accepter de nommer les événements avec les mots des journaux,” écrit Imre Kertész, à l’aide du clavier sur son ordinateur, dans le journal qu’il tiendra de 2001 à 2003 quand la maladie de Parkinson rendra sa main droite inutilisable pour fins d’écriture.*
Il écrit aussi ces mots terribles dans les sursauts et tremblements de son corps qui le trahit: “Je suis presque curieux de savoir ce qu’ils vont inventer après Auschwitz”. Et aussi: “Auschwitz a eu lieu. Et le fait qu’il a (pu) avoir lieu est irréversible. C’est en cela que réside la grande signification d’Auschwitz. Ce qui a eu lieu influence tout ce qui peut encore avoir lieu.”
Raison pour laquelle je m’accroche à la sonate de Beethoven offerte par mon cerveau, ce matin? Peut-être. Et “À vrai dire, il ne faudrait pas accepter de nommer les événements avec les mots des journaux”.
En tout cas, pas que. Et si vous avez accès à une copie de Sauvegarde, lisez l’échange entre Kertész et le jeune chauffeur de taxi berlinois. Pp 125-126. Sans oublier, à la p. 37, “Les rapports matinaux de M. sur mes agissements sous l’empire des somnifères“. Sauvegarde, comme dans fichier de sécurité. Comme dans bénédictions fournies par le cerveau, avant de se frayer un chemin au travers de cette journée, puis de la suivante.
*Imre Kertész, Sauvegarde, Journal 2001-2003, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, Actes Sud, 2012
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“Quasi una fantasia”
A Beethoven sonata plays in my head. Number 13? I think so. “Quasi una fantasia.” Not his greatest nor his most famous. I hold on to it for the moment – a gift from my own brain before re-opening the pocket of filth, the tumbril of horrors we call the “news”.
“To tell the truth, we shouldn’t accept naming events with the words of the newspapers,” Imre Kertész writes with the help of the keyboard on his computer, in the diary he kept from 2001 to 2003 when Parkinson’s disease rendered his right hand useless for the purpose of writing.*
He also writes these terrible words amid the starts and tremors of his body’s betrayals: “I’m almost curious to know what they will invent after Auschwitz.” And also: “Auschwitz happened. And the fact it could happen is irreversible. This is in what the great significance of Auschwitz resides. What has happened influences everything that can still occur.”
Reason why I hold on to the Beethoven sonata served up by my brain, this morning? Maybe. And ” To tell the truth, we shouldn’t accept naming events with the words of the newspapers “.
At any rate, not only. (And if you read French and have access to a copy of Sauvegarde, read the exchange between Kertész and the young Berliner taxi driver. Pp 125-126. And don’t forget on p. 37 “M’s morning reports on my goings on under the influence of sleeping potions.” Sauvegarde, as in backup file. As in blessings served up by the brain before picking your way through the next day, and the next.)
*Imre Kertész, Sauvegarde, Journal 2001-2003, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, Actes Sud, 2012