
Mais pas nécessairement…-
Oui, il m’arrive d’avoir des chouchous. Depuis l’année dernière, c’est le gamin qui m’avait confié, dans le plus grand secret, qu’il n’aimait ni le foot ni le rugby, mais qu’il “aimait assez” la poésie. Eh oui, mon coeur a fondu. Il aura douze ans en avril. Nous travaillons ensemble pendant une heure chaque semaine. Je ne lui passe rien, question grammaire. Il me raconte tous les coups tordus qui se passent autour de chez lui (et de chez moi). Consulte le dictionnaire (non, ça n’est pas une blague!). Et s’efforce, chaque semaine, de me “piéger” au pendu avec un mot qu’il y trouve et que je ne connais pas. (Il m’a eu hier avec dioscoréacée…je verrai bien la semaine prochaine s’il se souvient de ce que ça veut dire…Hé hé hé.)
Ce qu’il va devenir…aucune idée. Il fait partie de ceux et celles dont je me souviendrai lorsque je cesserai les accompagnements à la fin de cette année scolaire.
Vous vous imaginez le nombre des “comme lui” en Syrie, au Mali, au Soudan, au Yemen, en Afghanistan…et dans les rues, ici?
*
“C’étaient des jours étonnants.
Krymov avait l’impression que l’histoire avait quitté les pages des livres pour se mêler à la vie.
Il ressentait de façon exacerbée la couleur du ciel et les nuages de Stalingrad. Il retrouvait son enfance, quand la première neige, une averse d’été, un arc-en-ciel l’emplissaient de bonheur. Ce sentiment merveilleux s’émousse, avec les ans, et disparaît chez presque tous les êtres vivants, qui s’habituent au miracle de leur vie sur terre.”*
Mais pas nécessairement…
*Vassili Grossman, Vie et Destin, Julliard/L’Âge d’Homme, 1983
*
But not necessarily…
Yes, I sometimes have favorites. Since last year: the kid who had confided, in strictest confidence, that he liked neither soccer nor rugby, but “kind of” liked poetry. Well yes, my heart melted. He will turn twelve in April. We work together for an hour every week. I don’t let him get away with anything, grammar-wise. He tells me all about the dirty tricks playing out around his place (and mine). Consults the dictionary (no, this isn’t a joke!). And attempts to “trap” me every week, when we play at hangman, with a word he’ll find there and that I don’t know. (He got me yesterday with discoreaceae…We’ll see next week if he still remembers what it means…Heh heh heh.)
What will become of him…I have no idea. But he’s one of those I’ll remember when I’ll put an end to the job with this school year.
Can you imagine the number of those “just like him” in Syria, in Mali, in Sudan, Yemen, Afghanistan…and in the streets, right over here?
*
“They were astonishing days.
Krymov felt as if history had left the pages of books to mix with life.
He keenly felt the color of the sky and of the clouds of Stalingrad. He met up with his childhood again, when the first snow, a summer rainfall, a rainbow, filled him with happiness. This wonderful feeling becomes blunted over the years and disappears from almost all living beings, who become accustomed to the miracle of life on earth.”*
But not necessarily…
*Vasily Grossman, Life and Fate