
“…et la santé surtout !”…
me lance-t-il en tentant d’enfoncer un sac additionnel d’ordures dans la benne qui coince. Je lui rends le compliment, évidemment, et comme l’autre benne a été vidée, elle, je me débarrasse de mon trop-plein de papier, plastique et emballages divers, en bonne citoyenne-consommatrice. (Le citoyen-producteur n’étant pas tenu, lui, de stopper sa surenchère d’emballages destinés aux bennes débordantes de l’An Neuf.)
Dans la petite montée vers chez moi, je note un rat mort, coincé dans un grillage servant à retenir du crépi pourri (et des rats morts) de tomber sur la tête du passant. Puis, privilège de vacances, je reprends ma re-lecture de Été froid & autres textes d’Ossip Mandelstam*. Où en étais-je? Ah oui, à Soukharevka, un texte sur un ancien marché de Moscou, fermé par Staline en 1930. Et là, je rigole (j’expliquerai pourquoi) en lisant ceci: “Ici, la parole est déluge de mots, un moyen de défense et d’attaque mordant, comme un putois apprivoisé furetant sous les échoppes. La langue du marché, tel un petit carnassier, montre ses petites dents blanches.”
Et la blague, elle est où ? Elle est dans le fait qu’un petit robot algorithmique était venu visiter un de mes comptes mail, programmé sans doute pour fureter chez les utilisateurs de réseaux sociaux dont le nombre d'”amis” stagne. Le petit robot n’en a cure et la stagnation en question ne me dérange pas le moins du monde, mais le fournisseur du service gratuit en est embêté, lui. Le fournisseur a faim de nouveaux “amis”, de leurs “Like”, de leurs préférences, de leurs listes d'”amis”, bref, le marché s’est déplacé mais de sa santé et de son appétit boulimique, on ne saurait s’inquiéter…
Va va, brave petit robot, avec ou sans toi, moi et mes amis, nous trouverons toujours un moyen ou un autre par lequel communiquer…
*Ossip Mandelstam, Été froid & autres textes, traduits du russe par Ghislaine Capogna-Bardet, Actes Sud, 2004.
*
“…and health, most of all!”…
he calls out to me while attempting to squeeze an additional bag of garbage in an overfilled container. I return the compliment of course and since the other container has been emptied, I get rid of my excess paper, plastic and various wrappings as must do an honest consumer-citizen. (The producer-citizen is not obliged to limit his over-production of wrappings destined for the New Year’s overflowing garbage bins.)
Walking up the slight incline toward my home, I notice a dead rat stuck in the wire mesh that keeps rotting roughcast (and dead rats) from landing on a passerby’s head. Then, I pick up on my re-reading of Osip Mandelstam’s Été froid & autres textes. * Where was I? Ah yes, at Soukharevka, a text about the old market in Moscow, closed down by Stalin in 1930. And there, I start laughing (I’ll explain why) as I read this: “Here, speech is a deluge of words, a means of defence and of biting attack, like a tame polecat snooping around under the stalls. The language of the market, like a small predator, displays its small white teeth.”
So where’s the joke? It resides in the fact a small algorithmic robot came visiting on one of my email accounts, programmed no doubt to snoop around social media users with a stagnating number of “friends”. The little robot couldn’t care less and said “stagnation” couldn’t bother me less either, but it bothers the free service provider, a lot. The service provider hungers for new “friends”, their “Likes”, their preferences, their lists of “friends”. In short, the market has changed venues but concerning its health and bulimic appetite, one need not worry…
Carry on, brave little robot, with or without you, my friends and I will always manage to go on communicating…
*Ossip Mandelstam, Été froid & autres textes, traduits du russe par Ghislaine Capogna-Bardet, Actes Sud, 2004. (I don’t know if these texts have been translated into English).