
Le temps de…
Tout bien considéré, des trois horloges dessinées par la gamine, celle du milieu (la dernière de la série) est peut-être la plus juste. Avec l’accélération de la dérive des galaxies, le temps se dérègle peut-être un petit peu…
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Je suis en train de traduire un article intitulé La torture de retour, et dans les prisons des femmes dans la revue Kedistan. L’article original a été publié en octobre 2016 et mis à jour en mai 2017. Il est toujours d’actualité.
Une phrase en particulier m’interpelle. C’est la réponse d’un directeur de prison turc concernant les abus sexuels infligés aux prisonnières par les gardiens: “Nos gardiens sont des hommes,” dit-il, “nous ne sommes pas en charge de cela.” Et il ajoute que c’est aux prisonnières “de ne pas résister.”
La phrase m’interpelle d’autant que nous sommes en plein dans une nouvelle déferlante de “jamais plus de ça!”, provoquée cette fois par les révélations d’abus sexuels commis par un producteur de cinéma. À nouveau, les femmes sont invitées à dénoncer les abus dont elles ont été victimes… comme si beaucoup d’entre elles ne l’avaient pas déjà fait un nombre incalculable de fois.
Outre les abus eux-mêmes, plusieurs choses me dérangent dans ce scénario. La première se trouve dans la phrase du directeur de prison. Si j’étais un homme, je trouverais son affirmation insultante et dégradante puisqu’il pose comme axiome que “les hommes ” en tant que catégorie complète d’êtres humains, sont incapables de contrôler leur pulsions sexuelles et que les femmes devraient tenir compte de cette évidence. Sinon, c’est tant pis pour elles.
La seconde, c’est l’occultation quasi systématique du fait que le viol et toutes les formes possibles de harcèlement sexuel sont d’abord et avant tout une manifestation du pouvoir de l’un sur l’Autre – un “privilège” parmi d’autres revenant de droit au “plus fort”…qu’on nous décrit pourtant comme étant “trop faible” pour se contrôler. Comme si le fait que des abus de même type sont commis sur des hommes en position d’infériorité ne faisaient pas la démonstration que le pouvoir est l’élément décisif en cause. Mais au royaume de l’occultation, la mise des pendules à l’heure n’est pas pour aujourd’hui.
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Comme toujours lorsque je reçois un nouveau livre, je l’ouvre au hasard. Cette fois, je tombe sur la phrase suivante: “La monstruosité et l’invisibilité sont les deux sous-espèces de l’Autre…l’une démesurément visible et repoussant l’attention, l’autre inaccessible à l’attention et donc d’emblée absente.” La phrase est de Elaine Scarry. Elle se trouve dans le livre de Carolin Emcke contre la haine – plaidoyer pour l’impur*.
Bien hâte de la lire.
*Carolin Emcke contre la haine plaidoyer pour l’impur, traduit de l’allemand par Elisabeth Amerein-Fussler, Seuil 2017
Time for…
All things considered, of the three clocks drawn by the young girl, the one in the middle (the last in the series) may be the most exact. With the acceleration in the drift of galaxies, you know, perhaps time is becoming a bit out of joint…
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I’m translating an article titled La torture de retour, et dans les prisons des femmes (Torture is back, and in women’s prisons) in the Kedistan webzine . The original article was published in October 2016 and updated in May 2017. The topic is still relevant.
One sentence in particular is of direct concern to me. It is the answer of a Turkish prison director concerning sexuel abuse inflicted on female prisoners by the guards: “Our guards are men,” he says“we’re not in charge for that part of it.” And he adds that it’s the women prisoner’s job “not to resist”.
The sentence concerns me especially since we are in the midst of yet another tsunami of “never again!”, set off this time by the revelations of sexual abuses committed by a movie producer. Once again, women are invited to denounce abuse of which they were the victims…as if many of them hadn’t already done so countless numbers of times.
Other than the abuses per se, several things bother me about this scenario. The first is apparent in the prison director’s words. If I was a man, I would find his statement both insulting and degrading since it sets up as an axiom that “men” as an entire category of beings, are incapable of controling their sexual impulses and that women should take that fact under advisement. If they don’t, that’s just too bad for them.
The second is the quasi systematic obscuring of the fact that rape and all forms of sexual harassment are,first and foremost a demonstration of power of the one over the Other – a “privilege” among others bestowed “by right” on the strongest… whom we are also told is “too weak” to control himself. As if the fact abuses of the same kind are committed against men placed in an inferior status didn’t provide a clear demonstration of the power element being the decisive factor.But in the realm of willful obscurity, setting the clocks right will be for another day.
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As I always do when I receive a new book, I first open it at random. This time, I come across the following sentence: “Monstruosity and invisibility are the two sub-species of the Other… the one disproportionately visible, the other inaccessible to attention and rendered absent by that very fact.” The sentence is by Elaine Scarry. It is in a book by Carolin Emcke contre la haine – plaidoyer pour l’impur*.
Much looking forward to reading it.
*Carolin Emcke, Against Hate, a sample translation from the German by Sophie Duvernoy available here: