Innocence – R.I.P. –
Comme une armée de somnambules, les élus de la République en marche à l’assemblée nationale s’apprête à éliminer l’un des acquis les plus précieux de l’État de droit. En effet, de la case “présumé innocent jusqu’à preuve du contraire”, nous nous apprêtons tous à glisser dans la catégorie “potentiellement coupable sans garantie de recouvrer son innocence”.
Il y a quelques jours, hilare devant son propre lapsus (il avait évoqué “la fin de l’Etat de droit” au lieu de “la fin de l’état d’urgence”), le président de la république, fier de son petit effet, demandait à son auditoire si son manque de réaction était dû à l’assoupissement ou à l’acquiescement. Ni l’un ni l’autre: il s’agissait bel et bien de somnambulisme. Un état dans lequel rien ne demeure autre que les réflexes automatiques, comme pour des rats de laboratoire partiellement décérébrés. Ils peuvent manger, ils peuvent dormir, mais même si leur vie en dépend, ils ne peuvent pas négocier le labyrinthe le plus simple.
Dans ma lointaine enfance, les prêtres exerçaient leur terreur grâce au « péché d’intention ». Etant tous les descendants pécheurs de nos lointains ancêtres pécheurs, nos moindre pensées étaient pécheresses et nécessitaient l’auto-dénonciation suivie d’une punition rituelle.
Le projet de loi antiterroriste repose sur le même principe. Chaque exploration mentale de chaque citoyen contient la potentialité d’une intention criminelle. Puisque la criminalité potentielle devient la base d’opération de la loi, la suspicion devient la norme. Innocence, requiescat in pace. Le gouvernement propose de nous construire un état policier pour combattre ceux qui détestent la liberté, leur concédant la victoire de ce fait.
« Mais lutter contre le terrorisme suppose probablement de contrevenir aux intérêts d’Etats puissants et souvent liés à la France, ou de réformer la police dans ses structures et son commandement, ce qui est tout de même plus difficile que de faire voter des textes permettant d’assigner des Corses et des écologistes à résidence sous prétexte de lutte contre l’islam radical. »
…
« Si le législateur, et avec lui ceux qui l’approuvent, est si prompt à suspendre nos libertés, c’est que peut-être il ne s’en fait pas une idée très haute. En effet, si par liberté on entend simplement le fait d’aller au concert ou de boire des bocks en terrasse, alors il ne s’agit guère que de licence et l’on peut s’en passer puisque les circonstances l’exigent. Seulement, voilà : la liberté est indivisible. Elle s’étend des formes les plus banales aux formes les plus exceptionnelles, et ce ne sont pas nécessairement les plus héroïques qui sont les plus utiles, ou plus exactement, il est impossible de les distinguer entre elles. »*
*François Sureau, Pour la liberté – Répondre au terrorisme sans perdre raison, Tallandier essais 2017
Innocence – R.I.P.
Like an army of sleepwalkers, the National Assembly’s elected members of La République en Marche, are about to eliminate one of the Rule of Law’s most precious advances. Indeed, from the square marked “presumed innocent until proven guilty”, we are all about to slide into the category “potentially guilty with no guarantee of recovering innocence”.
A few days ago, beaming over his own wit (he had just spoken of “the end of the State of Law”, instead of “the end of the State of Emergency”), the President of the Republic asked his audience if their lack of response was due to sleepiness or acquiescence. It was neither: they were indeed in a state of somnambulism.One in which nothing remains other than automatic reflexes, like in partially decerebrated lab rats. They can eat, they can sleep but they can’t for the life of them figure their way out of even the simplest maze.
In my far-away childhood, the priests exercised their terror through “the sin of intention”. Being the sinful descendants of our sinful ancestors, our every thought carried sin and was subject to self-denunciation followed by ritual punishment.
The new antiterrorist law now under debate operates on the same principle. Every mental iteration of every single citizen is subject to potentially criminal intent. Potential criminality becoming the baseline from which this law would operate, suspicion becomes the norm. Innocence, requiescat in pace. The government is offering to build a police state in order to fight against those who hate liberty, conceding the victory to them by that very fact.
« But fighting against terrorism probably implies countering the interests of powerful States, and often ones with ties to France, or reforming the police in its structures and leadership, which is obviously more difficult than voting laws which allow assigning Corsicans and ecologists to house arrest under the alibi of fighting radical Islam. »
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« If the legislator, along with those who approve him, is so prompt to suspend our liberties, it may be because he does not hold them in such high regard. Indeed, if by liberty we only mean the fact of going to a concert or of drinking a pint on a terrace, then liberty doesn’t add up to much more than licence we can do without, if circumstances demand it. Except for one thing : liberty is indivisible. It spreads from the most banal to the most exceptional forms, and the most heroic are not necessarily the most useful, or to put it more precisely, distinguishing among them is impossible. »*
*François Sureau, Pour la liberté – Répondre au terrorisme sans perdre raison, Tallandier essais 2017