Mythes fondateurs/Foundation Myths

La chronique paraît aujourd’hui dans The New York Times, à la veille d’une visite du Président Erdogan à la Maison Blanche. Dans  What a TV Series Tells Us About Erdogan’s Turkey (ce qu’une série télé nous apprend sur la Turquie d’Erdogan), William Armstrong, éditeur du Hurriyet Daily News nous apprend que Monsieur Erdogan a pris fait et cause pour ce “remake” du mythe fondateur de la Turquie unique, grandiose et indivisible. Je n’ai pas sollicité l’autorisation de le traduire. Je me contenterai donc ici de brefs extraits. (De toutes façons, j’accorderais priorité de traduction à l’article Turquie : Chronique poubelle d’une prison à ciel de plomb publié par Kedistan, c’est clair).

Donc, commentant pour le bénéfice des “masses conservatrices”  sur les hauts faits du valeureux Ertugrul Bey, père du fondateur de l’Empire Ottoman dans Dirilis: Ertugrul (Résurrection), Monsieur le Président Erdogan a déclaré:   “Jusqu’à ce que les lions se mettent à écrire leurs histoires, leurs chasseurs seront toujours les héros.”

Que leur président les traite plutôt comme un troupeau de moutons à mener par la peur doit être bien difficile à exprimer pour les “masses conservatrices” ingurgitant une moyenne journalière de 5 heures d’images et de commentaires télévisuels exaltant les exploits des “chasseurs”.   Quand jusqu’aux« mots pour le dire » sont détenus en otage et privés de tout droit légitime à l’expression, il ne faut pas s’étonner qu’un Dirilis : Ertugrul martèle  – avec les complaisances et les déformations requises –  son message à la gloire de la “morale” d’une époque où l’intolérance religieuse de tous donnaient aux Armées de Dieu de toutes tendances le droit d’abattre les renégats à La Seule Cause Juste – la leur. )

Demain, le Président Erdogan rencontrera le Président Trump. Une   rencontre entre  “chasseurs”, pour ainsi dire. Humains, moutons et lions, tenez-vous le pour dit: la liberté de pensée ou de bouger? Le droit à la dissidence? L’intelligence? Vous voulez rire, ou quoi?

Un autre bref extrait de l’article de Monsieur Armstrong: “Mr. Erdogan canalise de façon experte les émotions à vif de ses admirateurs. Il glisse souvent vers la poésie pendant ses discours, jouant sur leurs cordes sensibles et validant leur sentiment de partager une destinée commune. Un jour, après le référendum, il s’est exprimé sous la pluie devant le palais présidentiel à Ankara, devant une foule de milliers de personnes en adoration.

« Nous avons marché sur ces sentiers ensemble, » a-t-il dit, utilisant les paroles d’une chanson populaire qu’il aime citer. « Ensemble, nous avons été trempés par la pluie. Dorénavant, chaque chanson que j’entends te rappelle à mon souvenir. »

Vous ressentez un haut-le-cœur de dégoût devant cette exploitation du besoin humain de reconnaissance et d’appréciation  ? Bien. Ça veut dire que vos réflexes de survie sont encore fonctionnels.

Les mythes fondateurs : culs-de-sac de la pensée.

post-scriptum: au chapitre des intoxications de masse, toute comparaison à des fantasmagories télévisuelles américano-européennes ou autres me paraît tout à fait justifiée puisque les Mythes Fondateurs remis à la sauce du jour n’ont qu’un but: bloquer la pensée créative en saturant de glu les connections synaptiques dans le cerveau.

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Foundation Myths

The column appears in today’s The New York Times,  on the eve of President Erdogan’s visit to the White House. In What a TV Series Tells Us About Erdogan’s Turkey, William Armstrong, editor at  Hurriyet Daily News tells us how Erdogan “waded into the controversy” over this remake of a foundation myth about a Turkey unique, grandiose and indivisible.

I haven’t sought permission to translate the column into French and only provide short excerpts of it. (In any event, I’d give priority to the  translation into English of a column published in Kedistan (available here in French under the title Turquie: chronique poubelle d’une prison à ciel de plomb.)

At any rate, commenting on the exploits of the valiant Ertugrul Bey, father of the Ottoman Empire’s founder (and for the benefit of the “conservative masses”), President Erdogan declared: “Until the lions start writing their own stories, their hunters will always be the heroes.”

That their President treats them more like sheep to be herded through fear must be difficult to express for “conservative masses” ingurgitating a daily average of five hours of televised images and commentary exalting the “hunters’ ” exploits.   When even the “words to say it” are held hostage and denied legitimate right of expression, we shouldn’t be surprised when a Dirilis : Ertugrul hammers away  – with all the required complacencies and deformations –  to the glory of the “morality” of a historical period in which religious intolerance on all sides gave God’s Armies of every stripe the right to hack down the renegades to The One Just Cause – their own.

Tomorrow, President Erdogan will meet with President Trump. A meeting between “hunters”, so to speak. Humans, sheep, lions, take heed: freedom of thought and movement? The right to dissidence? Intelligence? You’re joking, or what?

Another brief excerpt from Mr. Armstrong’s column:  “Mr. Erdogan expertly channels the raw emotions of his supporters. He often slips into poetry during speeches, pulling the heartstrings of his followers and confirming their sense of shared destiny. One day after the referendum he spoke to an adoring crowd of thousands under the rain outside his presidential palace in Ankara.

“We have walked on these paths together,” he said, quoting the lyrics of a popular song he often recites. “We have been soaked by the rain together. Now every song I hear reminds me of you.

You feel like retching over this exploitation of the human need for recognition and appreciation ? Good. That means your survival reflexes are still functional.

Foundation Myths – the dead-end alleys of thought.

 PS: in matters of mass intoxications, all comparisons to similar televised fantasmagoria, be they of American, European or other origin, strike me as entirely justified since  Foundation Myths in snazzy new clothes have only one aim: blocking creative thought processes through the  saturation of brain synapses with gunk.

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