Il y a un nombre effarant de sujets très très très graves auxquels je devrais accorder toute mon attention tout de suite. Nul doute que je le ferai dans quelques minutes. Mais pour l’heure, je tombe en arrêt devant une notion qui aurait ravi un triumvirat composé de Franz Kafka, Daniil Harms et Stanislaw Lem. Enfin, si j’avais un neuvième de leurs talents combinés, j’en ferais une nouvelle – que dis-je – une épopée pour grand écran. Elle mettrait en scène la bataille titanesque entre bactéries et virus pour le contrôle de l’Ordre Mondial.
Mais d’abord ceci, lu dans Penser Global d’Edgar Morin*: “Des biologistes ont fait l’hypothèse que les myriades de bactéries qui composent le monde bactérien constituaient un gigantesque superorganisme dans les airs, sur terre, sous terre, dans les eaux et que, peut-être, cet organisme nous contrôlerait sans que nous le sachions.”
Et bien non, messieurs les biologistes, et comme je n’y connais rien, je me sens parfaitement habilitée à m’inscrire en faux contre cette vision d’une naïveté sidérante. Un superorganisme, ben voyons. Pourquoi pas le Protocole des Sages de Sion, tant qu’à y être. Vous êtes biologistes, soit, mais pensez-vous vraiment que les virus ne recherchent pas la suprématie eux aussi? Hein? Et pensez-vous vraiment que, chez les bactéries justement, les eukaryotes ne sont pas à couteaux tirés (pour ainsi dire) avec les prokaryotes, aussi vrai que les Sunnites détiennent une vérité que les Chiites refusent de voir, et vice-versa? Et les microbes dans tout ça, vous en faites quoi des microbes? Ces braves petits champignons tout mimi tout minuscules, ils comptent pour rien dans votre hypothèse?
Cela dit, que nous, braves humains, soyons leurs vassaux, il n’y a qu’à se choper un bon rhume ou une grippe carabinée pour le savoir.
Mais en attendant que le coccobacille à Gram négatif rende son rapport complet sur qui, de lui (bactérie) ou de la souche H5N1 de l’influenza (virus), contrôle vraiment le front sud-ouest de l’Ordre Mondial, je crois que, grippe ou non, nous avons de quoi nous occuper à l’échelle humaine.
Ainsi se termine mon moment de décrochage pour aujourd’hui.
***
There’s a frightening number of very very very serious topics to which I should give my full attention immediately. I will undoubtedly do so in a few minutes. But for the time being, I come to a full stop in front of a notion that would delight a triumvirate composed of Franz Kafka, Daniil Harms and Stanislaw Lem. If I had but a ninth of their combined talents, I would write it into a short story – what am I saying, I would turn it into a big screen epic. It would show the titanic battle between bacteria and viruses for control of the World Order.
But first, the following, read in Edgar Morin’s Penser Global*: “Some biologists have hypothesized that the myriads of bacteria in our bacterial world constitute a giant super-organism in the airs, the earth and underground, in the waters and that, maybe, unbeknownst to us, this organism controls us.”
Well, I’m sorry but no, Sirs, and since I don’t know a thing about it, I feel perfectly empowered to register my protest against this stupendously naïve vision. A superorganism. Come on. Why not the Protocols of the Elders of Zion, while you’re at it. You are biologists, fine, but do you really think viruses aren’t vying for supremacy too? Huh? And do you really think that among bacteria, precisely, eukaryotes aren’t at drawn daggers (so to speak) with prokaryotes, just as the Sunni possess a truth the Chiites refuse to acknowledge, and vice-versa? And what about germs, what do you make of germs? Those brave little, cute little miniature mushrooms, they count for nothing in your hypothesis?
That said, that we, brave humans are their vassals, all you need is a solid cold or a gruesome bout of flu to know it is so.
But until the Gram negative coccobacillus turns in its full report on which, of it (bacterium) or subtype H5N1 of influenza A (virus), has effective control of the southwestern front of the World Order, I think that, flu or not, we have enough to occupy our minds at the human scale.
Thus ends my time-out for today.
*Edgar Morin, Penser Global, Champs, essais les Éditions Robert Laffont 2015