Rosa, rosa, rosam…

Rosa, rosa, rosam… c’était l’époque des déclinaisons latines, au temps de ma jeunesse de couventine. On nous donnait du Cicéron mais du Rosa Luxembourg, pas du tout.

On ne nous en donnait pas davantage au temps de ma jeunesse militante. Les braves jeunes hommes, tout à leur découverte du Capital de Marx (avant de poursuivre leurs carrières politiques un peu moins révolutionnaires), parlaient haut et fort de l’avenir radieux qui serait fait aux femmes. Éventuellement, bien sûr. Pas tout de suite où des tâches plus urgentes les sollicitaient. On imagine le soufflé raté quand j’ai suggéré que si les braves en question acceptaient, une fois sur deux, de relayer leurs compagnes pour la garde des petits, elles seraient plus nombreuses aux réunions auxquelles je participais lorsque je n’avais pas à m’en occuper moi-même. pffffffff ( c’est le son d’un soufflé qui s’effondre).

Bien. Je poursuis donc mes réflexions personnelles. Pas d’index rageur, pas d’anathèmes ni d’excommunications, pas d’appels à l’abstention ou au vote blanc (qui suis-je pour appeler à quoi que ce soit?) Juste quelques évidences, déjà notées par la dite Rosa Luxembourg en 1913 (pensez: avant le téléphone, avant même Facebook…) dans un livre intitulé L’accumulation du capital que les braves jeunes hommes de son époque avaient traité avec l’indifférence la plus totale. C’est que Rosa mettait à mal la théorie marxiste selon laquelle le capitalisme s’écroulerait du fait de ses propres contradictions. Que nenni, écrivait Rosa, le capitalisme ne fonctionnait pas en vase clos. Au contraire, il se maintiendrait en cannibalisant la surface entière de la terre. S’il en résultait un effondrement, ça ne serait pas seulement celui du capitalisme.

Quelques cent ans plus tard, les faits ont apporté beaucoup  d’eau à son moulin. Raison pour laquelle il me semble un peu court de faire du 2e tour de l’élection présidentielle le point Omega de l’Histoire. Délitement de la 5e République? Soit. Mais délitement ne signifie pas nécessairement révolution, et il ne suffit pas de brandir le mot pour que les événements s’y conforment. Et comme écrivait Rosa au sujet de l’immense catastrophe bolchévique (elle l’a vécue en direct, avant d’être assassinée par les miliciens du Freikorps allemand, groupe duquel Hitler tirerait éventuellement plusieurs de ses tueurs): une révolution dévoyée était encore plus à craindre qu’une révolution inaboutie.

Décidément, relire Hannah Arendt et Rosa Luxembourg, ça permet de penser un peu plus et de gérer les réactions épidermiques un peu mieux.

Anecdote scolaire minuscule: hier, un gamin devait réviser un poème. Il s’est insurgé violemment. “Pas question d’apprendre un poème par Marine Le Pen! Elle nous déteste! Je la déteste!” Euh…je regarde son cahier. Je lui demande de lire le nom de l’auteur du poème. Puis de le recopier. Puis de le redire à voix haute. De Marine Le Pen, point de trace (ça m’étonnait aussi qu’elle donne dans la poésie). Le seul point commun: la présence du nom Marie dans le prénom composé de l’auteur…

Bien nommer les choses. Garder la tête froide – surtout quand le coeur est chaud bouillant. Agir sans trop s’énerver. Les enfants apprécient, les grandes personnes aussi.

***

Rosa, rosa, rosam… this was in the era of latin declensions in my convent-educated childhood. We heard a lot about Cicero, but about Rosa Luxemburg, not at all.

We didn’t hear much about her during my militant youth either. Brave young men, agog with their discovery of Marx’ Kapital (this was prior to their pursuing political careers of a much less revolutionary slant)  spoke in ringing tones of the radiant future awaiting women. Eventually, of course. Not right away because more urgent tasks beckoned. The fallen soufflé is easy to imagine when I suggested that, if the brave young men agreed to share child-rearing time with their companions, there would be greater numbers of said companions at those meetings I managed to attend when not minding the kids on their mothers’ behalf.  pffffffff (this is the sound of a collapsing soufflé.)

Fine. I continue my personal reflections. No angry pointed finger, no anathema, no excommunications, no calls to abstention or annulled voting bulletin (who am I to call on anything whatsoever?). Only a few obvious facts, already noted by said Rosa Luxemburg in 1913 (just think: before the telephone, before Facebook…) in a book titled The Accumulation of Capital that the brave young men of her time treated with total indifference. Of course, Rosa was arguing against the Marxist theory that claimed capitalism would collapse under the weight of its own contradictions. Not at all, Rosa wrote, capitalism isn’t a closed system. On the contrary, it would maintain itself by cannibalizing the entire planet. If a collapse ensued, it wouldn’t be that of capitalism only.

Some one hundred years later, facts have brought water to her mill. This is the reason why it’s somewhat short sighted to act as if the second round in the French presidential election was the Omega point in History. Disintegration of the 5th Republic? No doubt. But disintegration doesn’t necessarily translate into revolution, and brandishing the word doesn’t suffice for events to fall in line with it.   And as Rosa wrote concerning the immense Bolshevist catastrophe (events which she experienced directly prior to her assassination by the German Freikorps from which Hitler later drew some of his henchmen): a deformed revolution was a more fearsome thing than an unaccomplished one.

Re-reading Hannah Arendt and Rosa Luxemburg decidedly helps in thinking a bit more and in managing instinctual reactions a bit better.

Tiny school anecdote: yesterday, a young boy had to revise a poem. He protested violently.  “No way will I learn a poem by Marine Le Pen! She hates us! I hate her!”  Uh…I looked at his copybook. I asked him to read the name of the poem’s author. Then to copy it out. Then to read it out loud. No trace of Marine Le Pen (I couldnt quite imagine her as given over to poetry writing). The only resemblance between the two: The presence of the word Marie in the poet’s hyphenated first name…

Naming things correctly. Keeping a cool head – especially when the heart is boiling hot. Acting without getting overly excited. Kids appreciate it and so do grown-ups.

Leave a comment