Les personnes qui me lisent et me connaissent personnellement le savent déjà : les nationalismes et moi = 2 entités irréconciliables. Oui, sous mon nom de “jeune fille”, j’ai été l’attachée de presse d’un ministre du gouvernement souverainiste de René Lévesque au Québec. Oui, j’ai eu maille à partir avec des opposants au 1er référendum sur la souveraineté (ah, ces escaliers extérieurs en pas de vis à Montréal ! ils ont ceci de bon qu’on peut s’agripper à la rambarde quand un mécontent invite un peu rudement à dégager les lieux). Et oui, j’ai représenté l’un des leaders souverainistes à bord des cars de campagne des journalistes lors de la 2e campagne référendaire aussi.
Mais la cassure a été nette et irrévocable pour moi, suite à deux incidents. L’un, de plus médiatisés, lorsqu’au soir de la défaite du second référendum le leader de l’époque du Parti Québécois a déclaré à la face du monde et des journalistes de tous pays réunis que le vote en faveur de la souveraineté avait été perdu en raison du “vote ethnique” – comprendre, les juifs, les arabes, les anglophones et toute la séquelle des “étrangers”. Alors, qu’en réalité, la tendance a basculé de façon négative sur le vote des fonctionnaires de la ville de Québec dont les représentants syndicaux, lors d’une rencontre que je n’oublierai jamais, avait déclaré qu’ils “feraient payer” au gouvernement ses compressions budgétaires au moment du vote référendaire. Et de un.
Et de deux: les commentaires abjectes de certains adjoints parlementaires et attachés politiques en petits comités – entendre “entre nous” – sur tous ceux qui n’étaient pas des “pure laine” comme eux – comprendre, les juifs, les arabes, les anglophones et toute la séquelle des “étrangers.”
Étant moi-même de “laine mélangée” anglo-franco, avec une exposition très précoce au Russe (ou à l’ukrainien?) mâtiné d’allemand d’une rescapée des camps (ou avait-elle été Kapo dans l’un d’eux? je n’en saurai jamais rien), je n’ai pas grand chose à faire de notions sur la “pureté” des races ou des langues dont la diversité me paraît autant d’aperçus sur les champs et les chants des possibles, des probables, et des totalement invraisemblables.
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Le jeune homme que j’héberge depuis des mois s’apprête à partir. Je récupère la pièce qui me servait de bureau, et l’accès à des dossiers d’écriture que je n’avais pas consultés depuis des mois. Mais aussi à une carte murale de l’Europe, version 1993. Carte sur laquelle, la Crimée est du même rose que l’Ukraine et le Monténégro a une capitale du nom de Titograd.
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À New York en ce moment – ville que je ne reverrai sans doute jamais – le Lincoln Center (que je ne reverrai pas davantage ) présente la pièce Oslo du dramaturge américain J.T. Rogers. Pièce basée sur le travail de Mona Juul et de Terje Rod-Larsen, le couple norvégien qui a mené les protagonistes Israéliens et Palestiniens jusqu’à l’accord historique entre les deux en septembre 1993. Accord désormais mort et enterré, c’est vrai.
Mais le travail du dramaturge consistait justement à ce que ce moment – théâtralisé et ré-inventé – devienne intemporel. Comme il le dit lui-même: In the middle of endless bloodshed and hatred, members of the Israeli government and the P.L.O. chose to sit across from their enemy and see them as human beings. Each side listened to the other and was permanently changed by that listening. I am awed by the personal and political courage that took. It is a moment of history that I do not want forgotten. (Au milieu de la haine et des carnages incessants, des membres du gouvernement israélien et de l’OLP ont choisi de s’asseoir face à leurs ennemis et de les considérer comme des êtres humains. Chacun écouta l’autre et fut transformé de façon permanente par cette écoute. Je suis impressionné par le courage personnel et politique qu’il fallut pour en arriver là. C’est un moment d’histoire que je ne veux pas voir oublié.)
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Et alors? Alors, à chacun de faire ce qu’il peut, comme il peut, quand il peut et surtout, avec ce qu’il est dans cette immense et confondante tour de Babel.
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Babel babble
Those who read me and know me personally already know : nationalisms and I = 2 irreconciliable entities. Yes, under my “maiden” name, I served as Press Aid to a minister in the sovereignist Québec government of René Lévesque. Yes, I had problems with opponents to the first sovereignty referendum (ah those corscrew outside staircases in Montreal! They offer the opportunity of clinging to the banister when the disgruntled invite you somewhat abruptly to clear out). And yes, I also represented one of the sovereignist leaders aboard the media busses during the second referendum campaign.
But the break was clean and irrevocable for me, following two incidents. The first, in full view of a world-wide gathering of media reps on the night of the narrow defeat of the second referendum, when then leader of the Parti Québécois blamed the defeat on the “ethnic vote” – meaning Jews, Arabs, English-speakers and the whole list of other “strangers”. When, in fact, the vote veered toward the negative when the votes came in for Québec City, a town of civil servants whose union representatives – during an unforgettable meeting – had vowed to make the government “pay” for its budget cuts at the referendum polls. That’s for one.
For seconds: the abject comments by some parliamentary assistants and political aides during a restricted committee meeting – meaning “between us” – comments on those who weren’t “pure wool” like us – meaning, the Jews, the Arabs, the English-speakers and the whole list of other “strangers”.
Being of mixed Anglo-Franco wool myself, with an early childhood exposure to Russian (or was it Ukrainian?) mixed with the German of a surviving camp prisoner (or was she a surviving Kapo? I’ll never know), I don’t have much to say on notions of “purity” in races or in languages, the diversity of which strikes me as so many openings on the fields and sounds of the possible, the probable and the totally implausible.
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The young man I’ve been sheltering for several months is about to leave. I’m reclaiming access to the room I used as my office and to files I haven’t consulted in months. Also to a wall map of Europe, 1993 version. When Crimea appeared in the same pink as Ukraine and Montenegro had a capital by the name of Titograd.
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In New York at the moment – a city I’ll probably never see again – the Lincoln Center (which I won’t ever see either I suppose) is showing J.T. Rogers’ play Oslo. Based on the work done by Mona Juul and Terje Rod-Larsen, the Norwegian couple who brought the Israeli and Palestinian protagonists to sign the historical agreement in September 1993. An agreement now dead and buried, true.
But the playwright’s job consisted precisely in insuring that this moment – dramatized and re-invented – should become timeless. As he says himself: ” In the middle of endless bloodshed and hatred, members of the Israeli government and the P.L.O. chose to sit across from their enemy and see them as human beings. Each side listened to the other and was permanently changed by that listening. I am awed by the personal and political courage that took. It is a moment of history that I do not want forgotten.”
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So? So we all do what we can, how we can, when we can and most of all, with what we are, in this immense and confusing Babel Tower.