“Vous qui passez”/”You passing by”

C’est de la folie. Je le sais. Encore un livre ? Encore des mots ? Et puis, jamais je ne pourrai traduire ce que je lis ici en anglais. Oser le faire… Oui, oser le faire parce que les mots en question sont trop précieux pour les laisser se perdre au milieu des hurlements, des aboiements, des sarcasmes, des bêtises et des futilités.

D’abord, il y a eu l’article dans Médiapart. Puis, ce matin, après lecture des multiples horreurs qu’on appelle “les infos”, j’ai ressenti le besoin de mots justes, les seuls qui soient en mesure d’accompagner les silences vivants. J’ai consulté le site annonçant le livre en question. J’y suis tombée en arrêt devant les mots suivants, publiés en exergue:

« Des années de contact avec la peau humaine donnent au bois le plus grossier une teinte noble et semblable à l’ivoire. Il en va de même pour les mots.

Il faut leur appliquer une paume tiède et ils se transforment en un trésor vivant. »

Isaac BABEL

« Non pas la seule raison, non pas la passion seule, mais l’une et l’autre ensemble, unissant leurs insuffisantes clartés pour explorer ce gouffre inconnu, le malheur des autres. »

Germaine TILLION

Puis, le poème suivant d’une à qui on attribua le matricule 31661 à Auschwitz-Birkenau, le 24 janvier 1943:

Vous qui passez, habillés de tous vos muscles,

je vous en supplie : faites quelque chose,

apprenez un pas, une danse,

quelque chose qui vous justifie,

qui vous donne le droit d’être habillé de votre peau, de votre poil.

Apprenez à marcher, et à rire,

parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts

et que vous viviez sans rien faire de votre vie.

 Charlotte Delbo

La voisine de Geneviève Brisac s’appelle Jenny Plocki. Elle a échappé à la Rafle d’Hiv’ et enseigné le français à des générations de petits, de moyens et de plus grands.

C’est de la folie. Je le sais. Encore un livre. Et traduire ces quelques mots-ci en anglais. Oui. De la folie. (Et j’espère que Grasset fera traduire ce livre dans un anglais à la hauteur de ses mérites).*

***

Folly. I know. Another book? More words? Besides, I’ll never manage to translate what I’ve read here into English. Daring to do so… Yes, daring to do so because the words in question are too precious to let them be lost amid the howls, the barks, the sarcasm, the stupidities and futilities.

First, there was the article in the French online daily Médiapart: Jenny Plocki, survivante du Vél’ d’Hiv’: «C’est pour cela que je suis anar» (Jenny Plocki, survivor of the Vél’ d’Hiv’**: “This is why I am an anarchist”. Then, this morning, after reading the multiple horrors we call “the news”, I felt the need for exact words, the only ones that can keep company to living silences.  I looked up the website displaying the book in question. Stopped in my tracks before the words used as epigraph:
« Des années de contact avec la peau humaine donnent au bois le plus grossier une teinte noble et semblable à l’ivoire. Il en va de même pour les mots.

Il faut leur appliquer une paume tiède et ils se transforment en un trésor vivant. »

Isaac BABEL

(« Years of contact with human skin gives even the roughest wood a noble shade similar to that of ivory. The same holds true for words.

When the warmth of a palm is applied to them they transform into a living treasure.

Isaac Babel)

« Non pas la seule raison, non pas la passion seule, mais l’une et l’autre ensemble, unissant leurs insuffisantes clartés pour explorer ce gouffre inconnu, le malheur des autres. »

Germaine TILLION

(« Not sole reason, not passion alone, but both together, uniting their insufficient lights to explore that unknown chasm, others’ misery. »

Germaine Tillion)

Then, the following poem by one who was given the number  31661 in Auschwitz-Birkenau on January 24 1943:

Vous qui passez, habillés de tous vos muscles,

je vous en supplie : faites quelque chose,

apprenez un pas, une danse,

quelque chose qui vous justifie,

qui vous donne le droit d’être habillé de votre peau, de votre poil.

Apprenez à marcher, et à rire,

parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts

et que vous viviez sans rien faire de votre vie.

Charlotte Delbo

(You passing by, clothed in all your muscles,

I beg of you: do something

learn a step, a dance,

something that justifies you,

that gives you the right to be clothed in your skin, in your hair.

Learn to walk, and to laugh,

because it would be too dumb in the end that so many should have died

and that you should live without doing something with your life.

Charlotte Delbo)

The name of Geneviève Brisac’s neighbor is Jenny Plocki. She escaped the Vel’ d’Hiv’ Roundup and taught French to generations of small, medium and big children.

Folly. I know. Another book. And translating these words in English. Yes. Folly.  (And I hope Grasset will have the book translated into the English  it deserves).

***

*Geneviève Brisac Vie de ma voisine, Grasset 2017

**The Vel’ d’Hiv’ Roundup: a massive campaign of arrests conducted in Paris against Jews by the French police  on July 16 and 17 1942. (Details here).

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