Décidément, sur ma table des lectures courantes (rangée un tant soit peu pour la photo…), La Cybériade de Stanislas Lem trouve toute sa place en ce moment. A l’ère post-Snowden et vu les multiples usages possibles de la cybernétique…
Exemple: “…Trurl et Clapaucius se tordent de rire et exposent même fort aimablement à ceux qui les écoutent avec la plus vive curiosité, quoique non sans terreur, comment ils en vinrent là, lorsque après avoir rejeté leur projet initial, qu’ils tenaient pour imparfait, ils se mirent à fabriquer un monstre conçu de tout autre façon. Ils ne savaient point, disent-ils, où, ni comment incorporer le centre de commande, autrement dit le cerveau, afin que la chose fût tout à fait sûre. C’est pourquoi ils confectionnèrent la bête, si j’ose dire, toute en cervelle, en sorte qu’icelle pût penser au choix avec sa patte, sa queue ou sa gueule, laquelle était évidemment garnie de multiples dents de sagesse. Mais cela n’était qu’un préambule ; la tâche proprement dite se décomposait en deux parties. La première psychologique, la seconde algorithmique. Il fallait d’abord songer à qui appréhenderait le roi. L’on devait faire agir, à cet effet, un petit groupe de policiers, issu du monstre lui-même par transmutation : rien de ce qui existe dans l’univers ne saurait en effet opposer résistance à un policier muni d’un mandat d’arrêt confectionné lege artis.”…*
La note d’aujourd’hui fait suite à une conversation avec un jeune écrivain hier concernant les “dosages” requis pour qu’un texte traduise bien l’intention ironique de son auteur. Je l’ajoute ici, étant donné que l’ironie est l’un de mes modes d’expression préférés et que cent fois sur le métier il me faut réviser l’ouvrage, et cetera, et cetera…
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*Stanislas Lem, La Cybériade traduit du polonais par Dominique Sila, Gallimard Folio SF 2004 (1ère publication en polonais en 1965)