Dans un panier à salades
(un des contes perdus des Mille et Une Nuits)
“On raconte encore, Sire, que la 34e nuit, votre grand vizir voulut en avoir le coeur net. En effet, il était choqué d’entendre la rumeur publique enfler et affirmer que les valeureux gardiens de l’ordre sous son autorité auraient procéder à “la mise à l’abri de personnes qui sont vulnérables”, sans faire preuve de “toute l’humanité qui est consubstantielle *à leur responsabilité”.
*(pour les ignares en théologie, la consubstantialité est un dogme chrétien qui affirme que le Christ était, bel et bien, homme à part entière et Fils Unique du Dieu Unique, en fait, le tiers payant de ce Dieux Unique, le tiers qui payait de sa personne humaine au nom des deux autres parties de Lui-Même constituant la Trinité constituant le Dieu Unique qui…bref, je vous expliquerai mieux le dogme de la transsubstantiation si jamais le grand vizir y a recours.) Nous poursuivons le récit:
Le grand vizir ordonna donc qu’on lui apporte un déguisement complet de malheureux migrant des rues, sans oublier la couverture de rigueur, miteuse, humide et puante. Il se cala dans un coin obscur en respirant de grandes goulées d’air quand les remugles de la couverture devenaient insupportables. Et il observa en grelottant et frissonnant et se demandant bien où étaient les valeureux gardiens de l’ordre et les cohortes de malheureux migrants dont on lui rabâchait sans cesse les oreilles…
(le conte ne se poursuivit pas la 35e nuit car les gardes du corps avaient déposé le grand vizir dans un coin du parc Monceau particulièrement tranquille où il ne se passa strictement rien. Incroyable? Et pourtant vrai. Il ne se passa rien, si ce n’est que le grand vizir se tapa une angine de poitrine et, l’aube chassant la nuit, ses gardes du corps le trouvèrent à deux doigts de l’hypothermie. Ils appelèrent Médecins sans frontière pendant que Shahrâzâd leur versait à tous une rasade de réconfortant, et, ma foi, s’en prenait une bonne lampée aussi.)