La trouille

C’est un commentaire de quelqu’un qui s’inquiète du fait que l’attention portée à Asli Erdogan risque de lui coûter cher. Eh oui, la trouille. La trouille d’agir, la trouille de se tromper d’action, la trouille de, de, de… La trouille, quoi, confusionnante, paralysante, et si je…non, sinon je risque…aïe, je…

Ça me donne juste envie de citer un passage de ce merveilleux livre, Les oiseaux de bois*:

“…Tous ces gens en uniforme semblaient nerveux. Je sentais venir une catastrophe.

‘Je vous demande pardon, monsieur l’agent. Pouvez-vous me dire comment je dois faire pour traverser?’

Pour toute réponse, j’eus droit au grognement, ou plutôt au grondement des gens qui ne veulent pas répondre.

‘Pardon,” fis-je.

Le grondement bizarre, sauvage, s’amplifiait peu à peu. Et qu’est-ce que je vis? J’avais posé le pied sur la queue d’un chien-loup tenu en laisse par le policier. Bien dressé, l’animal réagissait avec modération à la gêne que je lui causais.

‘Pardon, pour traverser la place…’

Soit par manque de vocabulaire, soit par un refus inconscient, je ne compris pas les explications de l’agent. À ce moment-là, je vis une femme entraînée dans la bagarre. Mon psychiatre aurait interprété ce rêve comme le mouvement d’un corps qui cherche à se protéger des traumatismes. ‘Excusez-moi’, reprise-je, en insistant de façon déplacée. L’agent m’expliqua la situation sans la moindre ambiguïté. J’avais intérêt à garder mes questions pour moi et à déguerpir au plus vite. Je ne suis certainement pas un modèle de vertu, mais je ne résistai pas au sentiment patriotique qui caractérise notre bienveillante sécurité nationale. Autrement dit, en bonne citoyenne, je rabattis mon caquet…”

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La pétition? Ma foi, les signatures s’accumulent, et pour ceux-celles qui ne peuvent pas se rendre à Istanbul…

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*Asli Erdogan, Les oiseaux de bois, récits traduits du turc par Jean Descat, Actes Sud 2009

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(La photo? Partie de l’exposition Circulez y’a rien à voir de Propice au Café Plùm de Lautrec.)

 

 

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