Nous voici donc, pauvres hères que nous sommes, à nouveau dans une époque de monstres, de fous, de faibles et d’incapables qui se hissent du col, emprisonnent ou tuent à volonté et estiment que les lois, tout comme les femmes, sont faites pour être violées.
Certes, on peut pleurer – et pourquoi s’en priver? On peut gueuler, tempêter – je ne vois pas pourquoi on s’en priverait non plus. On peut se résigner? Faire le dos rond? Attendre que la tempête passe, en espérant qu’elle nous épargnera? Aussi.Qui suis-je pour dire aux autres comment vivre des temps pareils? Vous préférez rigoler, échanger des photos mignonnes ou parler de recettes? Allez-y, je ne suis pas de la police, ni des moeurs ni d’autre chose. Tenir debout dans le chaos n’est pas donné à tout le monde et je ne me sens pas l’âme d’une donneuse de leçon.
La seule, l’unique chose que je refuse, c’est de porter la honte de ceux qui devraient l’assumer et ne l’assumeront jamais. Il est odieux de prétendre que nous avons “choisi” la montée en puissance des monstres, des fous, des faibles et des incapables. À ce compte, autant prétendre que les tués, les torturés et les violés ont choisi ce qui leur est advenu.
Le 26 décembre, je ne serai pas à Marseille pour rejoindre le groupe tentant de rejoindre Istanbul en soutien à l’écrivain Asli Erdogan. De toute façon, je n’en ai pas les moyens. Et de toute façon bis, je serai avec une famille à nouveau menacée d’expulsion, parce que ça fait quatre ans que je suis à leur côté et que mes moyens, comme mes énergies, ne sont pas illimités.
Tenir debout dans le chaos. Je ne fais pas grief à ceux qui choisissent de s’accrocher au mur ou de ramper sous les tables quand le chaos l’impose. De un. De deux, je ne vois aucune raison de pardonner ou de tendre l’autre joue à ceux qui éprouvent le besoin d’écraser les autres pour se sentir exister.
Cela dit, mis à part les écrits d’Asli Erdogan, mon livre de chevet pour l’heure s’intitule L’Art d’écosser les haricots du polonais Wieslaw Mysliwski, traduit par Margot Carlier et publié dans la collection Babel de la maison Actes Sud, maison pour laquelle j’ai une affection toute particulière.
Voilà pour l’heure, et en route pour la suite des choses.