Entre catastrophismes, invitations à la nunucherie et à l’oubli, entre coups de gueules, révélations glaçantes, larmes authentiques et larmes de “cocodriles”, ça tangue, les amis, ça tangue. Dans les journaux, sur les réseaux sociaux, au boulot, au caboulot. Ça tangue. Eh oui. Alors, comme disait l’autre, cherchant le plus court chemin d’un point à un autre, je recentre le tout sur un petit bout de chemin à défricher – étroit et peut-être sans grand intérêt, mais le mien.
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Alors, chère Asli Erdogan, que me dites-vous aujourd’hui?
“Finalement, il se trouva un esprit chevaleresque pour écrire un “Manifeste contre le bon sens”. Il prouvait qu’il n’y avait pas un seul vrai fou dans toute la Turquie, que, dans ce pays, le problème des fous, c’est l’absence de folie. Il déclarait que “ce qui fait que les fous sont fous, c’est la folie”. Devant un tel chef-d’oeuvre, je crevai de jalousie. A l’asile, durant les longues nuits consacrées à la philosophie et à la logique, je n’étais jamais parvenue à une approche aussi radicale, je n’avais pas osé me dresser contre les principes fondamentaux que sont la rigueur logique, le caractère inébranlable des concepts. Autrement j’aurais prouvé qu’il n’y a pas de fous même sur la lune et les murs de l’asile se seraient écroulés.”*
Bref, les concepts: à manier avec des pincettes. Les émoticons aussi. (Cette nuit, dans le rêve, tous les gens autour de la table s’employaient à se transmettre et à reproduire la même grimace. Je voyais arriver le moment où il me faudrait décider d’en faire autant ou de faire tache dans ce beau consensus. Alors, j’ai ouvert les yeux.)
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Poursuivre sa route sur le petit chemin – étroit, certes , inutile peut-être- mais qu’on fabrique avec ses propres pas. Ou, comme disait Machado:
caminante, no hay camino,se hace camino al andar.**
[toi qui marches, il n’existe pas de chemin,]
[le chemin se fait en marchant.]
*Asli Erdogan, Les oiseaux de bois, récits traduits du turc par Jean Descat, Actes Sud 2009
**avant que quelqu’un m’intente un procès en excommunication: le lien est vers de texte de la chanson Cantares, écrite par Serrat, et qui reprend les vers de Machado qui disent: caminante, son tus huellas el camino y nada mas (marcheur ce sont tes pas qui font le chemin, et rien d’autre)