Monsieur Zen et ses amis font de l’activisme (1ère séance)
“Ah, soupirait un jour Monsieur Zen, au sortir de sa séance hebdomadaire de yoga. Tous ces malheureux réfugiés, qu’est-ce que j’aimerais leur venir en aide! Mais je n’ai aucune formation particulière, je suis un être profondément pacifique, je respecte la loi, j’ai passé l’âge des manifs et des gros mots, et j’estime que je dois d’abord cultiver l’amour et l’harmonie dans mon coeur avant de-“
“Stop, Monsieur Zen!” lui dit la voix intérieure de l’harmonie universelle. “Vous et vos amis parlez français. Vous avez des téléphones et des ordis. Vous possédez l’habitude atavique de tout français de vous coltiner avec les administrations pour votre retraite, votre complément de santé, vos assurances, le renouvellement de votre carte grise… Qu’est-ce qui vous empêche, vous et vos amis, de mettre vos énormes compétences au service d’une famille qui croule sous les paperasses en tout genre?”
“Nous voulons bien essayer,” dirent Monsieur Zen, Madame Esmeralda et ce triple abruti de Toto, celui-là même qui chantonne Acropolis adieu en pleine méditation transcendentale.
Ils prirent contact avec un association locale. Firent le pied de grue avec des familles plutôt paumées, il faut bien le dire. Quand ce fut leur tour et que la préposée leur dit qu’elle ne pouvait pas les aider, ils pratiquèrent l’écoute bienveillante d’un message enregistré sur leur portable. Tapèrent 2, puis 1. Recommencèrent quand la communication fut interrompue. Pratiquèrent la respiration consciente à l’écoute du message précédent.
Monsieur Zen parvint presque au but. Madame Esmeralda s’énerva et dit des gros mots à la préposée qui la menaça de poursuites judiciaires. Toto comprit tout de travers, comme d’hab.
“If at first you don’t succeed, try, try again,” dit Monsieur Zen à ses amis. (Car il avait étudié l’anglais et connaissait bien cette langue.)
Madame Esmeralda dit qu’elle y réfléchirait après sa séance de re-centrage, et Toto se mit à chanter (faux, évidemment) Across the universe, version Beatles mouture retour des Indes.
Les familles leur dirent un gros, gros merci, évidemment.
(Suite au prochain numéro.)
post-scriptum pour ceux qui ne comprennent pas ou n’approuvent pas mon type d’humour: juste vous dire que j’ai passé la matinée à jouer au Monsieur Zen, à sourire et à comprendre la profonde fatigue des préposés aux divers services administratifs. Et, qu’en bout de ligne, il y aura peut-être l’ombre d’une résolution à l’un des nombreux problèmes d’une (1) famille parmi les milliers d’autres en galère. Je préfère me défouler sur un blog – et rester polie au téléphone comme en personne.