Deux semaines sans salaire, soit. Mais deux semaines durant lesquelles je ne tenterai pas d’inculquer les bases d’un CE-2 à un enfant en CM-2 dont la mère ne veut pas voir les difficultés. Comme si de les nier les feraient disparaître. Ou je n’essaierai pas de percer le mystère des évaporations mentales d’une gamine pour qui, franchement, ni la lecture, ni l’orthographe ni la grammaire ne colle à une quelconque réalité dans son univers.
Deux semaines que je meublerai d’autre chose, tout en lançant un salut fraternel aux ‘instits’ qui, eux et elles, seront payés sans doute pendant ces deux semaines. Mais qui affrontent vingt, vingt-six, vingt-huit enfants jour après jour avec les contraintes de programmes et d’horaires, au travers desquels on se demande parfois s’il y a encore un lien entre les pontes de l’Educ Nat et la vie, la vraie, dans les écoles de France et de Navarre.
Pour une comme moi, qui vit pour le lire et l’écrire, le mystère (et la misère) de ces enfants dégoûtés et démotivés, le décalage entre ce qu’ils perçoivent du monde et ce qu’on insiste qu’ils DOIVENT savoir, tout ça me sidère.
Bien sûr, des fulgurances, de temps en temps. Bien sûr, la découverte parfois d’un “truc” tout bête qui déclenche un appétit d’apprendre. Mais dans l’ensemble, le constat d’un immense gâchis pour ceux et celles dont on s’attend à ce qu’ils sachent lire alors que la plupart des mots dits ou imprimés n’éveille aucune résonance en eux.
Alors, ce cours d’histoire. Raconte-moi ce que tu en as compris.
Hésitation. Tortillement des doigts. Regard perdu. “Ben…la maîtresse a dit qu’ils s’appelaient Rachid et Charlemagne. Et qu’ils allaient échanger des cadeaux? … Et qu’ils avaient des barbes et qu’ils s’habillaient en blanc.”
Allez. Vacances scolaires. Au moins ce matin, le petit A m’a dit qu’il “commençait à comprendre” la différence entre hier, aujourd’hui et demain.
Ce qui n’est pas rien.