“…riche de mes seuls yeux…”

À soixante-dix ans avérés, j’ai derrière moi une longue et frustrante histoire avec les collectifs en tous genres. D’abord, parce qu’il me faut gérer en priorité mon assemblée constituante intérieure – ses pulsions, ses désirs, ses enthousiasmes, ses peurs et ses angoisses. Un travail constant, de jour comme de nuit, en écriture comme dans la vie.

Ensuite, parce qu’en collectif, on se retrouve à devoir se dépatouiller aussi avec une collection d’assemblées constituantes intérieures aussi brouillonnes que la sienne propre, souvent étrangères et aux réactions inattendues. Les hésitations, les coups de gueule, les débordements divers d’affects ou de raisonnements interminables, les affirmations péremptoires, les valses-hésitations, les tâches plus ou moins définies puis remises en cause ou escamotées, et l’heure qui tourne, qui tourne…

Et l’écriture qui pâtit, pâtit.

Les priorités. Les fameuses priorités. Comprises différemment par chacun, même lorsque tout semble couler de source unique. Les conflits de personnalité sur des vétilles, des broutilles ou sur des désaccords fondamentaux. Ou encore, des motifs inavoués ou inavouables, déguisés en principes immuables.

Bref, la comédie humaine, encore et toujours. Fascinante, lassante, désespérante, harassante, ironique, par larges pans, rigolote ou attendrissante, aux moments où l’on  ne s’y attend plus.

À la fin d’une trop longue journée, aperçu d’un corps roulé sur lui-même à l’intérieur d’une ancienne cabine téléphonique à deux pas de la mairie. Un arrêt pour s’assurer que le corps respire (la poitrine emmitouflée se soulève du souffle long et régulier du dormeur profondément enfoncé en lui-même). Puis, le spectacle incongru de ce ballet de parapluies suspendues, supposé nous alerter aux risques du cancer du sein. D’accord, si vous le dites…

Je ne comprends pas grand chose. En fait, plus j’observe l’humain, moins je comprends. Engeance bizarre, nous sommes.

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