Cher ami, j’écris pour te dire …”

Mon “aire de travail” est sous le grand tilleul, juste derrière le kiosque de Domingo, “Monsieur Barbe à papa”. Du coup, quand je rentre chez moi, je découvre que j’ai les cheveux laqués  de sucre filé.

Monsieur Barbe à papa ne sait pas écrire et cherche par tous les moyens à se défiler d’une contribution au grand livre des histoires. Finalement, il fait le croquis de son kiosque surmonté d’un parasol rose. Les enfants dessinent ou, plus secrets, acceptent d’écrire quelques mots sur une page à part, à l’abri des regards. (Puis viennent me dire que je pourrai lire leurs mots chez moi, mais pas devant tout le monde.)

Quant aux parents, ils observent jusqu’à se lancer, une fois assurés que je ne regarde ni aux fautes d’orthographe ni aux fautes de grammaire. Le jeu se déroule dans une cour d’école, quand même, et pour nombre d’entre eux, écrire évoque d’affreux relents de punitions. Sur le thème général de “Lettre à un ami là-bas”, l’un adresse des voeux à ses enfants au loin, un autre dessine un pot de Nutella.

Cette semaine, l’un des enfants que je vois en accompagnement scolaire est arrivé avec une dictée notée 0/20 et deux bonnes nouvelles. La première: tous les élèves de la classe avaient eu 0/20 et, sur leur copie, tous avait trouvé ce commentaire du prof: “On va progresser !” Ça change un peu des charges habituelles d’incapacité mentale.

Imprimée sur ma rétine, l’image de cette femme qui se tient un peu à l’écart, admirative, et qui refuse l’invitation du crayon feutre tendu. “Je ne pourrais pas, non, je ne pourrais pas,” dit-elle et s’éloigne à regret.

Où vont-ils, tous ces mots ni dits ni écrits?

 

 

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