Fenêtre ouverte, je reçois le son d’un avion et d’une émission d’informations en russe. Le son de cette langue que je ne parle pas et qui m’imprègne pourtant depuis la petite enfance. Quelqu’en soit les mots, quelqu’en soit le sens, c’est un son qui me rassure. L’une de mes soeurs se souvient de Maria comme d’une personne méchante et qui parlait l’allemand. Pour moi, plus petite, je garde l’impression d’un corps-rempart qui me porte, me dorlote, me chante et me parle dans une langue qui n’appartient qu’à nous deux.
Journée tranquille. La grand-mère a bien dormi. Lianna a fait des cauchemars et moi aussi. Au réveil, nous sommes étonnées de leurs points de concordance. Je cueille des figues, les prépare pour la confiture. Elle fait à manger. La grand-mère mange de bon appétit. Zhan raconte des souvenirs de galère. J’y rajoute les miens et nous rigolons parce qu’il fait beau, que c’est samedi à la campagne et que ce matin, les voisins d’à côté sont venus porter des jouets pour les deux petites. Lundi est encore loin. Pour l’heure rien ni personne pose menace.
Je travaille au roman pour la première fois depuis des jours et des jours de confusion extrême. Après le repas, je me lève de table, je remercie Lianna et je dis: maintenant, rabotaÏou.
En bas, la radio diffuse maintenant des informations de Erevan, en anglais.
Et comme la tranquillité ne peut pas durer, le téléphone sonne et un jeune “m’enguirlande” parce que je n’ai pas miraculeusement réglé un problème causé par d’autres et avec lequel nous nous débattons depuis des mois.
N’empêche. Je persiste et je signe: un samedi tranquille à la campagne parce que tout est relatif à autre chose.