Pour conjurer une voix “aigre et fausse”

Une voix “aigre et fausse.” Non pas celle de la citation qu’Ossip Mandelstam met en exergue à ce poème de 1931, mais celle d’une personne captée sur le téléphone d’une personne en détresse. La voix d’une infirmière ou du médecin? Qu’importe. Débordés, à bout de nerf? Qu’importe. J’ai besoin de conjurer cette aigreur et cette fausseté. La route est longue, il faut se préserver.

“Ma voix aigre et fausse…”

P. Verlaine

Je l’affirme, Mary-Ange,

Ma chérie,

Cherche. – rien ne vaut au change

Le cherry.

Là où le péan d’Homère

Résonnait,

Je n’ai vu que la misère

Qui béait.

Eux, – Hélène qu’ils kidnappent,

Tout ardents;

Moi, – l’écume qui me tape

Dans les dents.

Dans les dents, pour mon obole. –

“Va aux Grecs !”

Honte et vide, à tasse folle,

Et cul sec !

Crie, crie pas, tu peux en croire

Un mortel,

Ange, – mange, non sans boire

Tes cocktails.

Je l’affirme, Mary-Ange,

Ma chérie,

Cherche. – rien ne vaut au change 

Le cherry.

Ossip Mandelstam, 2 mars 1931

Traduit par André Markowicz

dans Ossip Mandelstam Poèmes, Editions Librairie du Globe 1992

 

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